Les 111 000 électeurs de Sao Tomé et Principe, petit archipel au large de l’Afrique Centrale, avaient le choix dans l’isoloir entre le candidat arrivé en tête du premier tour, Evaristo Carvalho (49,8 % des voix), et le président Manuel Pinto da Costa (24,83 %), malgré le fait que ce dernier ait refusé d’y participer, dénonçant des fraudes.

Les bureaux de vote ont fermé vers 18 h 00 (locales et GMT) sur les deux îles et ont dans l’ensemble connu une faible affluence, selon les informations recueillies par l’AFP. Mais quelque soit le résultat des urnes, l’issue fait peu de doute : les bulletins en faveur du président sortant seront considérés comme nuls, ce dernier s’étant officiellement désisté.

Considéré comme un modèle de démocratie en Afrique, Sao Tomé et Principe traverse une crise politique inédite en 25 ans de multipartisme depuis le premier tour contesté de l’élection le 17 juillet.

Revirement de la Commission électorale nationale

La polémique est née des revirements de la Commission électorale nationale, qui a d’abord proclamé des résultats provisoires donnant Evaristo Carvalho vainqueur dès le premier tour avec la majorité absolue (50,1 %), avant de se contredire, ouvrant la voie à un second tour.

M. Pinto da Costa, 79 ans, avait alors réclamé, conjointement avec la candidate arrivée troisième, Maria das Neves, l’annulation de tout le processus pour repartir à zéro, mais le tribunal constitutionnel a rejeté cette demande.

« Je suis venu uniquement pour exercer mon devoir civique, mais je pense que le déroulement des élections a été scandaleux, la commission électorale a commis beaucoup d’erreurs », a affirmé Adelino Deus Lima, ouvrier agricole à Trinidad, la deuxième ville du pays.

A Sao Tome, Maria Pires, vendeuse de poisson qui dit avoir voté « pour le changement » avec M. Carvalho, estime au contraire que « le scrutin a été libre et transparent ». Elle espère que son candidat pourra « conduire le pays au développement ».

Le candidat Evaristo Carvalho, 74 ans, a voté vers midi dans l´école primaire Dona Maria de Jésus, dans la capitale Sao Tomé. « Je souhaite que le processus électoral se conclue dans la tranquillité et dans la paix », a déclaré à des journalistes le candidat à la présidence.

Après s’être dit « confiant » pour obtenir une « large majorité » à l’issue du second tour, M. Carvalho a ensuite accusé son adversaire d’avoir « abandonné parce qu’il avait peur de perdre cette élection ».

M. Carvalho est soutenu par le véritable homme fort du pays, le Premier ministre Patrice Trovoada, 54 ans, dont le parti, l’Action démocratique indépendante (ADI), est déjà majoritaire à l’Assemblée.

Pays modèle démocratique

Comme au Portugal, l’ancienne puissance coloniale, le président arbitre mais ne gouverne pas, laissant la réalité du pouvoir au Premier ministre, dans ce petit pays pauvre de 200 000 habitants indépendant depuis 1975, et qui dépend à 90 % de l’aide internationale.

Par candidat interposé, M. Trovoada signe un nouvel épisode d’une rivalité familiale avec Manuel Pinto da Costa, qui remonte aux temps de l’indépendance.

Premier président pendant quinze ans après 1975, M. Pinto da Costa avait alors arrimé son pays au bloc soviétique, instaurant un régime marxiste avec parti unique.

Le président sortant, Manuel Pinto da Costa, après avoir été voté, lors du premier tour de l’élection présidentielle, le 17 juillet. | SAMIR TOUNSI / AFP

Le régime de l’époque avait contraint à l’exil en France le père de Patrice Trovoada, Miguel, ex-compagnon de route tombé en disgrâce. De retour à Sao Tomé avec l’instauration du multipartisme en 1991, Trovoada père sera élu président à deux reprises jusqu’en 2001.

Depuis, le petit archipel fait figure de modèle d’alternance démocratique dans une région où les chefs d’Etat règnent souvent depuis des décennies, comme Teodoro Obiang en Guinée Équatoriale (1979), Paul Biya au Cameroun (1982), ou Idriss Deby au Tchad (1990).

Dans un pays où les deux tiers des 195 000 habitants sont pauvres, « nous avions au moins la fierté d’être un pays stable, où les perdants félicitent les vainqueurs », regrettait dimanche un journaliste santoméen. « Cette crise nous divise profondément ».