Un chauffeur de taxi dans une rue de Douala, en 2013. | FRED DUFOUR / AFP

Au commissariat de sécurité publique du 8e arrondissement de Douala, capitale économique du Cameroun, les plaintes déposées « contre inconnu(s) » pour agression dans les taxis s’amoncellent depuis des années sur les bureaux des enquêteurs. Avec son application mobile Taxi Vairified, Patrick Ehode veut endiguer ces agressions et rendre plus sûr les taxis camerounais.

En avril 2016, il a lancé son application « spécialisée dans la vérification, la classification et la mise à disposition de l’information non conventionnelle ». Taxi Vairified arrive sur les téléphones portables camerounais, une « application qui permet aux Camerounais de réserver un taxi sécurisé » en quelques minutes et à des prix abordables. « Avec Vairified, on veut sortir de l’informel, explique Patrick Ehode. Notre but est d’assurer en même temps la sécurité des clients et la traçabilité des taxis. »

« Les agressions sont quasi quotidiennes dans les taxis, se désole un inspecteur de police principal, en montrant une plainte déposée la veille. Le plus souvent, ces clients ont de la peine à décrire le conducteur et ses amis. Ils n’ont même pas le temps de relever la plaque d’immatriculation du véhicule qui les a transportés. »

Désemparés, les clients dépouillés sous la menace d’un couteau ou d’une arme à feu par le taximan et ses complices, veulent récupérer leur porte-monnaie, téléphone portable, sac à mains, ordinateur, argent et autres objets de valeur. « Sans éléments pour déterminer qui sont les taxis, il devient difficile pour nous de mener nos enquêtes pour identifier et interpeller ces malfrats », continue l’inspecteur.

Un taxi sur trois n’est pas en règle

Trois mois après son lancement, une soixantaine de taxis de Yaoundé, la capitale du Cameroun, et plus de 200 à Douala sont répertoriés dans la base de données de Taxi Vairified. « Le système de course Vairified est très bénéfique, estime Thomas Yankam, président régional du Syndicat national des chauffeurs de taxis, cars, bus et assimilés du Cameroun (SNCHAUTAC). On gagne en temps et en argent : au lieu d’aller à la chasse aux clients en gaspillant son carburant, on va les chercher à des points précis. »

Avant de figurer dans ce répertoire et de servir les clients, les propriétaires de ces véhicules doivent débourser la somme de 2000 FCFA (3 euros) chaque mois ou 10 000 F. CFA (15,20 euros) par an pour leur abonnement. Dans le même temps, ils s’engagent à respecter les règles de sécurité « obligatoires ».

« D’après nos enquêtes, un taxi de Douala sur trois a un défaut de pièce administrative (immatriculation, carte grise, permis…), ce qui est une source d’inquiétude pour les usagers, poursuit le promoteur de la start-up, qui emploie sept personnes et assure vérifier que tous les véhicules qui utilisent l’application soient en règle administrativement. Nous exigeons une facture d’électricité ou d’eau du taximan pour savoir exactement où il habite, et on s’assure que nos taxis ont au moins trois ans de capacité et cinq ans de permis. »

Vêtu de son gilet Taxi Vairified, Tiroko Nantchouang, debout devant son véhicule stationné, ne quitte plus des yeux son téléphone. « Dès qu’un client fait une réservation, les responsables de Vairified nous appellent pour nous indiquer le lieu, sourit-il. Avec ce service, les chauffeurs de taxi ne craignent plus les clients voleurs. »

« Si un client réserve un taxi pour lui, on gagne d’un coup 1 500 F CFA, alors qu’à 250 F CFA le passager habituellement, on ne gagne que 1 250 F CFA en remplissant la voiture [de 5 places]. En plus, il faut faire des arrêts pour chercher des clients », analyse Mathieu, 48 ans dont 27 passés au volant de son taxi et utilisateur de l’application mobile.

Séduits par ce service « sécurisé », entre 400 et 1 000 utilisateurs téléchargent chaque mois depuis sa création l’application qui fonctionne pour l’instant uniquement sur le système d’exploitation Androïd. « L’inscription pour le client coûte 2 000 Francs CFA, détaille Sonya Ngayap, chargée de clientèle chez Taxi Vairified. Il doit aussi nous envoyer le numéro de sa carte d’identité et ce n’est qu’à ce moment-là que nous lui donnons un code. »

Une fois l’inscription faite, le client se connecte sur l’application, réserve son taxi en indiquant le lieu où il se trouve, sa destination, et choisit la formule de prix qui lui convient. Pour 500 F CFA, il partage son taxi avec d’autres clients, mais il n’est pas « bâché », c’est-à-dire assis avec quelqu’un d’autre, et occupe seul le siège avant. Pour 1 500 F CFA, il a le véhicule pour lui tout seul.

Une application pour Camerounais privilégiés ?

Face aux critiques qui taxent déjà l’application d’être réservée aux Camerounais riches et connectés, Patrick Ehode répond que « la cible de Taxi Vairified est Monsieur tout le monde, nous pratiquons des prix inférieurs à ceux du marché grâce à la régularité de notre relation avec les chauffeurs. » Le 16 juin, Marcelle emprunte un taxi à Douala et remarque « par hasard » sur le pare-brise le logo de Taxi Vairified et ses règles de sécurité. Elle décide alors de tester le service avec un ramassage de nuit. « Quand on sort tard, il faut être prudent, mais pas besoin de prendre un taxi en dépôt à 1 500 voire 2 000 F CFA, assure la jeune femme. À 500 F CFA, j’ai fait ma réservation en indiquant mon point de ramassage et 15 minutes plus tard, j’ai été prévenue de l’arrivée du taxi. »

Grâce à un partenariat avec l’opérateur français Orange, Patrick Ehode explique que l’application sera bientôt disponible sur de simples téléphones, alors qu’elle est aujourd’hui cantonnée aux smartphones.

En attendant, ce trentenaire, lauréat de la première édition 2016 du Programme de Résidence entrepreneuriale Bordeaux-Afrique, organisé par la ville de Bordeaux pour soutenir les jeunes entreprises innovantes africaines, veut étendre son service aux autres grandes villes du pays. « Nous sommes aussi en discussion avec des partenaires en France et en Côte d’Ivoire pour voir dans quelle mesure nous pourrions y amener la formule Taxi Vairified », assure t-il.