Le président de la Cité des sciences et de l’industrie, Bruno Maquart. | PHILLIPE LEVY

Pourquoi consacrer une exposition à la ville ?

Depuis 2008, la proportion de personnes vivant en zone urbaine a dépassé la moitié de la population mondiale. Forts de ce constat, nous nous sommes penchés sur les questions soulevées par cette urbanisation accélérée : le rapport à l’environnement, les transports, l’approvisionnement alimentaire, la sécurité.

Comment met-on en scène un sujet aussi vaste ?

Nous n’avons pas cherché l’exhaustivité. L’exposition se picore, les visiteurs butinent selon leurs centres d’intérêt – big data, engorgement, bidonvilles, végétalisation des espaces. Notre objectif est de les sensibiliser à des problématiques qu’ils pourront ensuite approfondir individuellement. Par exemple, nous expliquons que les gratte-ciel ne sont pas
forcément la meilleure réponse à apporter à l’augmentation de la population, car les immeubles moins élevés peuvent être plus rapprochés.

Un casque de réalité virtuelle projette le visiteur au sommet d’un gratte-ciel hongkongais. | EPPDCSI/N. BRETON

Le cas de Paris est typique : la ville est bâtie sur le modèle haussmannien, avec des ensembles d’immeubles de six étages extrêmement denses. La perception de la densité dépend beaucoup de l’architecture. On s’imagine souvent que les quartiers de tours sont saturés, alors que leur densité est souvent équivalente à celles des édifices haussmanniens.

A quoi ressemblera la ville de demain ?

Il existe des points communs, bien sûr, mais dans le détail, les mutations urbaines ne répondent pas à une seule loi. Différentes voies d’évolution existent. Depuis douze ans, la ville colombienne de Medellin se transforme selon le principe de l’équité : de nouvelles écoles ont ouvert dans les quartiers défavorisés, une autoroute et un téléphérique relient désormais les bidonvilles au centre-ville. Songdo, en Corée du Sud, a été construite à partir de rien, c’est un modèle de smart city ultraconnectée, dont les données permettent d’améliorer les services rendus aux habitants.

L’exposition pose aussi la question du devenir de Detroit, en faillite après la crise de 2008 : comment faire renaître une ville dont 40 % des habitants n’ont pas accès à Internet ? Dans le film Diana à Detroit, ladite Diana nous explique qu’en reliant les ordinateurs de son quartier à des antennes radio, les habitants ont développé un réseau de communication sans fil, décentralisé, indépendant du réseau Internet officiel.

Dans « Paris, Paris rangé », l’artiste Armelle Caron réordonne le plan de la capitale en fonction de la taille et de la forme des bâtiments. | EPPDCSI/N. BRETON

L’exposition parle peu des architectes et des urbanistes qui sont pourtant les principaux acteurs de ces mutations.

Nous avons eu envie de dire aux visiteurs : « La ville est à vous ! » Les villes sont ce qu’en font leurs habitants, il ne faut pas croire qu’elles nous ont échappé. Dans cette perspective, le point de vue de l’aménageur nous a semblé moins intéressant que la description des initiatives, petites et grandes, menées par les communes et les citoyens. Je pense notamment à « Ré-alimenter Masséna », un projet de réhabilitation de l’ancienne gare Masséna porté par la Mairie de Paris, qui propose de construire une tour en bois affectée au bien manger (potager, labo de recherche agro, cours de jardinage, restaurant, etc.).

Le projet de datavisualisation montre l’extension des villes au fil des âges. | EPPDCSI/N. BRETON

Quel est le sens de « terre urbaine », le spectacle de datavisualisation où l’on peut voir 130 000 données compilées en douze minutes ?

Cet espace permet de montrer que la ville est en train de prendre une place prépondérante par rapport aux Etats. La carte des pouvoirs évolue-t-elle ? A chacun de se faire son opinion.

« Mutations urbaines. La ville est à nous ! », Cité des sciences et de l’industrie, 30, av. Corentin-Cariou, Paris 19e. Jusqu’au 5 mars 2017. www.cite-sciences.fr