Albert Rivera, à Madrid, le 3 août. | GERARD JULIEN / AFP

Six conditions non négociables. Le président du parti libéral Ciudadanos Albert Rivera a posé sur la table ses exigences « minimales » pour changer le sens de son vote et soutenir l’investiture de Mariano Rajoy comme chef du gouvernement, lors d’une conférence de presse surprise, mardi 9 août.

L’expulsion de tous les élus du Parti populaire (PP, droite) mis en examen pour corruption politique, l’interdiction d’accorder des grâces aux corrompus, une nouvelle loi électorale visant à renforcer la proportionnalité ou encore l’ouverture d’une commission d’enquête parlementaire sur le financement illégal présumé du PP : M. Rivera exige en somme que le ménage soit fait dans les rangs du PP et que le parti s’engage dans « un processus de régénération démocratique et de lutte contre la corruption ».

Quelle sera la réponse de M. Rajoy, avec lequel il doit se réunir mercredi ? Malgré les réticences qu’il ne manquera pas de manifester, il pourra difficilement rejeter la proposition de Ciudadanos, tant la pression est grande en Espagne pour en finir avec l’intérim politique.

Cela fait plus de huit mois que le royaume attend un nouveau gouvernement. Les élections législatives du 20 décembre n’ont pas permis de dégager une majorité au Parlement, et celles du 26 juin ont abouti à un nouveau blocage. Pour M. Rivera, sa proposition vise à « essayer de débloquer l’Espagne » et éviter de troisièmes élections.

Son soutien n’est cependant pas suffisant pour permettre l’investiture de M. Rajoy, arrivé en tête des élections avec 33 % des voix et 137 députés sur les 350 de la Chambre basse. Avec les 32 députés de Ciudadanos, il en manquerait encore 7 au PP pour que M. Rajoy obtienne la majorité absolue à la Chambre basse.

Mais sept, c’est peu. Et pour sept voix, il est très probable que le secrétaire général du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE), Pedro Sanchez, déjà soumis à de fortes pressions internes lui enjoignant de « laisser le PP gouverner », puisqu’il est arrivé loin derrière (22,6 % des voix et 85 députés), ne ferait pas obstacle à l’investiture de M. Rajoy et s’abstiendrait. D’autant plus si auparavant le PP a accepté les conditions de Ciudadanos.

Un jeune parti aujourd’hui déterminant

Jusqu’à présent, M. Rivera a été clair : avant, durant et après la campagne électorale, il écartait toute possibilité de voter pour M. Rajoy, figure selon lui incompatible avec son engagement en faveur de la régénération de la vie politique espagnole. Tout juste a-il accepté ces dernières semaines de « faire un geste » en passant du non à l’abstention.

Mais s’il parvient à imposer ses six conditions à M. Rajoy, ce serait une victoire importante pour ce jeune parti centriste et antinationaliste qui, arrivé en quatrième position avec 13 % des voix, s’est rendu déterminant pour la formation d’un gouvernement en Espagne.

La réforme électorale et la commission d’enquête parlementaire, en particulier, ne sont pas du goût du PP. La première pourrait lui faire perdre un nombre important de députés, puisque l’actuel système électoral favorise les grands partis. La seconde l’obligerait à faire face publiquement aux soupçons de corruption dont il fait l’objet et entacherait un peu plus le parti, déjà poursuivi, depuis le 26 juillet, pour la destruction des disques durs de l’ancien trésorier Luis Barcenas. Selon ce dernier, son ordinateur renfermait justement les preuves d’un financement irrégulier du PP présumé…

Si M. Rajoy refuse de céder aux exigences de Ciudadanos, une crise interne au sein du PP n’est pas à exclure. Car comme M. Rivera s’est fait un plaisir de le rappeler mardi, toutes les mesures de régénération démocratique qu’il exige ont déjà été acceptées par la présidente de la région de Madrid, Cristina Cifuentes, qui gouverne grâce au soutien de Ciudadanos. Cette figure montante du PP est l’une des représentantes de la jeune garde du PP qui réclame, de plus en plus ouvertement, une modernisation et un renouvellement de la droite espagnole.