Au creux de l’été, les distributeurs et les exploitants tiennent pour acquis que les spectateurs ont laissé leurs cerveaux dans le congélateur. D’où l’infestation de superhéros, le pullulement de petits animaux numériques et l’absence de films faisant appel aux fonctions cérébrales supérieures. Cette semaine est la plus chiche de l’année, et il a fallu, pour étoffer cette sélection faite d’un documentaire cinquantenaire et d’un drame austère, y inclure deux films – Jason Bourne et SOS Fantômes – qui ne nous ont pas enthousiasmés (mais nous sommes allés les voir, tout comme nombre d’entre vous le feront). Dès la semaine prochaine, les affaires reprennent. On découvrira l’un des plus beaux films de l’année, Toni Erdmann, de Maren Ade, qui a enthousiasmé les foules à Cannes.

QUAND LES VAGUES ÉTAIENT ENCORE NOUVELLES : « The Endless Summer », de Bruce Brown

The Endless Summer de Bruce Brown : bande-annonce
Durée : 01:17

« Suivre l’été autour du monde » : c’est avec cette ambition poétique qu’un documentariste américain passionné de surf, du nom de Bruce Brown, partit, au milieu des années 1960, avec les surfeurs Mike Hynson et Robert August de la Californie jusqu’à Hawaï en passant par l’Afrique, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, à la recherche des plus belles vagues. The Endless Summer reste l’un des plus célèbres emblèmes d’un mouvement difficile à circonscrire, au sein duquel le surf – pratiqué ou imaginé, au cinéma ou au son des tubes des Beach Boys – apparaissait comme la cristallisation d’un idéal de vie au soleil et d’insouciance : l’idée d’un monde ouvert dont on aurait pu faire le tour en suivant une vague après l’autre, dans le présent continu d’éternelles vacances.

Au-delà de la légère distance que peut instaurer le grain de la pellicule, dont on a perdu l’habitude, les images de Bruce Brown sont restées époustouflantes et n’auraient rien à envier, ni pour la variété de points de vue, ni pour la précision, ni pour la vivacité de mouvement, aux acrobaties des caméras numériques montées sur drones. Noémie Luciani

Documentaire américain de Bruce Brown (1 h 32).

POUR QUELQUES MÈTRES CARRÉS DE PLUS : « L’Economie du couple », de Joachim Lafosse

L'ÉCONOMIE DU COUPLE - Bande annonce
Durée : 01:50

L’Economie du couple est l’anticomédie romantique par excellence, un film sec, nourri de l’observation au microscope d’une cellule familiale. Il y a bien sûr une petite torsion de la réalité qui rend la vision du film plus que supportable, excitante : ce sont les acteurs, ces sujets définitivement rebelles à l’analyse scientifique. Bérénice Bejo et Cédric Kahn – réalisateur qui se découvre un talent d’acteur sans cesse croissant – auraient pu jouer dans une comédie romantique, ils sont largement assez séduisants pour ça. Ici, ils se consacrent avec abnégation à la tâche qui leur est assignée : incarner la désintégration d’un couple par l’argent.

On peut s’interroger sur l’intérêt qu’il y a à s’immerger dans une expérience aussi commune, si souvent filmée. Il ne s’agit pas ici de porter le trivial au sublime, mais d’attirer le regard sur un des mécanismes les plus communs à l’œuvre dans la fin des couples, l’inégalité économique. Cette ambition est satisfaite. La caméra se faufile de pièce en pièce, saisissant l’effroi ­silencieux des petites filles devant la violence verbale de leurs parents, les moments de lassitude qui s’abattent sur chacun des combattants. Thomas Sotinel

Film français de Joachim Lafosse avec Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller (1 h 40).

DES REVENANTS QUI NE FONT PAS FRISSONNER : « Jason Bourne », de Paul Greengrass, et « SOS Fantômes », de Paul Feig

Jason Bourne / Bande-annonce Officielle VF [Au cinéma le 10 Août]
Durée : 02:34

D’un côté, un ex-amnésique guéri lors de sa dernière apparition, mais qui ne se rappelle pas qu’il avait juré de ne pas tourner de nouvel épisode. De l’autre, un quatuor féminin (Melissa McCarthy, Kristen Wiig, Leslie Jones et Kate McKinnon) qui reprend les positions occupées par Bill Murray, Dan Aykroyd, Ernie Hudson et Harold Ramis.

Dans le premier cas, on redistribue les cartes pour continuer le jeu, avec Tommy Lee Jones en directeur de la CIA qui n’a de cesse de montrer qu’il contrôle le monde, et veut éliminer Bourne, Alicia Vikander, en numéro deux pas insensible aux charmes dudit Bourne, et Vincent Cassel, surnommé « l’Atout », en pure force de destruction à la solde des services secrets. Thème du jour : la subordination des géants des nouvelles technologies, idiots utiles, aux exigences de police mondiale des services secrets américains. Malgré des scènes d’action toujours aussi bien charpentées, le résultat global n’en semble pas moins tiré par les cheveux, et la franchise notablement banalisée.

SOS Fantômes - Bande-annonce finale - VF
Durée : 01:45

Dans le second, on misait d’autant plus sur la réussite du film que les commandes avaient été confiées à Paul Feig, artisan, avec Judd Apatow, de la merveilleuse série « Freaks and Geeks », et devenu depuis le grand manitou de la féminisation de la comédie hollywoodienne. Et cela d’autant plus qu’il s’était adjoint les talents de Kristen Wiig et Melissa McCarthy, qui n’ont pas peu contribué à la réussite de sa comédie Mes meilleures amies. Or, il n’y a guère que Chris Hemsworth (Thor), dans le rôle du réceptionniste décérébré – que les « ghostbusteuses » recrutent faute de pouvoir se payer mieux –, qui arrive péniblement à arracher quelques rires. Jacques Mandelbaum et Isabelle Regnier

Jason Bourne, film américain de Paul Greengrass avec Matt Damon, Alicia Vikander, Vincent Cassel (2 h 04).

SOS Fantômes, film américain de Paul Feig avec Melissa McCarthy, Kristen Wiig, Chris Hemsworth (1 h 58).