Au nord de Marseille, le 11 août. | BERTRAND LANGLOIS / AFP

Selon le bilan établi jeudi 11 août au matin, 3 300 hectares de garrigue et de pinède ont brûlé dans les Bouches-du-Rhône, dans une série d’incendies qui ont fait rage, la veille et durant la nuit, aux portes de Marseille et dans la zone industrielle de Fos-sur-Mer.

La superficie calcinée représente environ la moitié de la surface annuelle moyenne (6 530 hectares) consumée par le feu dans les départements méditerranéens au cours de la dernière décennie, selon l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne. Surtout, des zones d’habitation ont été directement menacées, des maisons détruites ou endommagées.

Eric Maillé, ingénieur de recherche au centre d’Aix-en-Provence de l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea), met en cause une urbanisation mal contrôlée. Il explique aussi que le changement climatique va rendre le risque plus élevé dans les prochaines décennies.

Les incendies actuels dans les Bouches-du-Rhône sont-ils exceptionnels ?

A l’échelle du bassin méditerranéen où, en moyenne, 500 000 hectares de forêts partent tous les ans en fumée, il ne s’agit pas de très grands feux. Au Portugal, ce sont 40 000 hectares qui ont déjà brûlé depuis le début du mois d’août. Mais ce qui fait la gravité des récents incendies, c’est leur localisation, en bordure de zones habitées. Ils ne sont pas exceptionnels par leur taille, mais par leur caractère périurbain.

Cette situation n’est pas tout à fait sans précédent. Les incendies survenant à l’interface entre forêt et habitat sont récurrents dans le Sud-Est. Ils sont le plus souvent de taille modeste, entre 30 et 50 hectares, et quelquefois plus importants. Dans le Var, en 2003 [année au cours de laquelle 73 000 hectares avaient été carbonisés en France], les feux de Vidauban (6 744 hectares le 17 juillet et 5 646 hectares le 28 juillet) s’étaient propagés jusqu’aux communes côtières (Grimaud, Sainte-Maxime…), causant de nombreux dommages aux maisons. Plus récemment, en 2009, un feu s’est propagé vers Marseille. Mais les derniers incendies, en particulier ceux qui se sont déclarés près de Marseille, sont inquiétants.

Pour quelle raison ?

Parce qu’ils illustrent ce que l’on peut redouter au cœur de la conurbation Aix-Marseille, où zones d’habitation et zones forestières se sont entremêlées, sous l’effet conjugué de la dynamique d’urbanisation et de la déprise agricole. La pression sociale est forte, les gens veulent avoir leur maison dans la forêt, mais imaginez un gros incendie dans ce contexte !

La question de l’interface entre forêt et habitat est cruciale pour la gestion du risque d’incendie. Elle se pose en termes d’aménagement du territoire : il s’agit de raisonner au niveau intercommunal plutôt que communal et de densifier l’habitat existant plutôt que de l’étendre et le disséminer dans les massifs, ce qui est une catastrophe. Elle se pose aussi en termes de prévention, qu’il s’agisse de débroussaillement ou d’entretien des bords de route.

Des conditions météorologiques particulières ont-elles favorisé ces feux ? Connaît-on leur origine ?

Après un début d’année assez pluvieux, qui a été favorable à la production de biomasse, ou matière végétale, les derniers mois ont été secs. Cette biomasse abondante et déshydratée, combinée à des vents relativement intenses, constitue un cocktail incendiaire.

Sur l’origine des foyers, nous n’avons pas encore d’informations. De façon générale, en France, plus de 90 % des feux sont d’origine humaine : un tiers environ sont intentionnels et les autres involontaires. Dans le cas présent, il semble qu’il y ait eu plusieurs départs, mais cela ne prouve pas qu’ils aient été volontaires. Il faut savoir que plusieurs feux de forêt naissent chaque jour dans l’Hexagone : on dénombre 4 700 départs de feux depuis le début de l’année dans les seuls départements du Sud-Est.

Le changement climatique va-t-il accroître le risque ?

Clairement, le changement climatique va dans le sens d’une augmentation du risque d’incendie. Non seulement parce qu’il va entraîner des températures plus élevées et des sécheresses plus sévères, mais aussi parce qu’il pourrait augmenter la fréquence des événements météorologiques exceptionnels, tels que des périodes prolongées de fort mistral.

Le sud de la France n’est pas seul à être concerné. Le risque d’incendie, qui est aujourd’hui nettement plus marqué sur le pourtour méditerranéen, va remonter vers le nord, mais aussi en altitude, par exemple dans les Alpes où l’on trouve une quantité importante de biomasse qui n’a jamais brûlé. A terme, ces régions risquent de connaître elles aussi de grands feux comme en connaît déjà le sud de l’Europe.

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