Audrey Tcheuméo a été battue jeudi en finale de la catégorie des moins de 78 kg. | TOSHIFUMI KITAMURA / AFP

Après Clarisse Agbegnenou, battue en finale des moins de 63 kg mardi, c’est au tour d’Audrey Tcheuméo d’échouer au pied de la plus haute marche du podium. Jeudi, la judokate des moins de 78 kg a cédé sur ippon la médaille d’or à l’Américaine Kayla Harrison, championne du monde 2010. Quelques minutes plus tard, son compatriote des - 100 kg, Cyrille Maret, a glâné la médaille de bronze en battant l’Allemand Frey. Le judo français en est désormais à trois médailles mais aucune en or.

En 2012, ultra-favorite et championne du monde en titre, la Francilienne avait déjà échoué en demi-finale face à une quasi inconnue, la Britannique Emma Gibbons. Elle avait su s’en relever pour décrocher le bronze. Une médaille qui n’avait pas réussi à lui faire oublier sa déception. « Je ne sais pas ce qui s’est passé. À un moment, ça devient le trou noir dans ta tête. Tu doutes. La pression, tout ça, ça devient trop dur », décrivait-elle au blog du Monde Au Tapis ! avant Rio.

Audrey Tcheuméo, qui a longtemps hésité entre la boxe, le tennis ou le football, n’a débuté le judo qu’à l’âge de 15 ans. Fille d’une ancienne internationale camerounaise de handball et d’un père qui a officié chez les Lions indomptables en 1980, « Tchoumi » a beaucoup progressé techniquement ces dernières années. Elle possède un judo très riche fait de grandes attaques de jambes, de tai-otoshi et de harai-goshi surpuissants.

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A Rio aujourd’hui, Audrey Tcheuméo s’est longtemps montrée d’une solidité à toute épreuve, laissant apparaître une impression de puissance au fil de ses combats. C’est d’abord la Nord-Coréenne Kyong Sol qui a subi la loi de la Francilienne. En quart de finale, la Britannique Natalie Powell a été poussée à la faute, concédant deux pénalités.

La Française a affiché un mental fort, quand touchée à la lèvre, elle a terminé le combat avec un bandage impressionnant et tout sauf confortable. Croisée en zone mixte, Clarisse Agbegnenou, médaillée d’argent mardi, affichait sa confiance en sa coéquipière : « Elle est stressée mais ça va le faire. Elle est marrante. Il n’y en a pas deux comme elle. Elle a son propre style, c’est le Tcheuméo style ».

En demi-finale, Audrey Tcheuméo n’a rien lâchée et est parvenue à se sortir du piège proposé par Mayrar Aguiar, une Brésilienne qui l’avait battue lors de cinq des six derniers combats. Le public survolté, mêlant les encouragements aux huées, ne suffisait pas à la déstabiliser. Mais face à l’Américaine Kayla Harrison, qui avait gagné ses trois premiers combats par ippon, elle n’a jamais trouvé la solution.

Audrey Tcheuméo a été blessée à la lèvre lors de son quart de finale. | Markus Schreiber / AP

Posé, sûr de lui, Cyrille Maret a lui parfaitement géré sa journée jusqu’à sa demi-finale face au Tchèque Lukas Kpalek, trop fort pour le Dijonnais de 29 ans. Avant, il avait d’abord facilement écarté le Malien Ayouba Traoré. Puis, il s’était débarrassé du colosse néerlandais Henk Grol, champion d’Europe en titre et double médaillé de bronze olympique. En quart, le Français avait dominé le jeune Géorgien de 20 ans, valeur montante du circuit, Beka Gviniashvili.

Pour la troisième place, il a envoyé au tapis d’un superbe mouvement l’Allemand Frey. Pas forcément attendu avant les Jeux, Cyrille Maret est l’une des grandes satisfactions françaises. L’entraîneur de l’équipe de France masculine, Stéphane Frémont, doit donc être satisfait. Lui qui interrogé par Le Monde avant cette journée positive, jugeait qu’avec deux médailles, le bilan des hommes serait bon : « On a une équipe qui se construit. Nous avions deux garçons de niveau mondial, Teddy (Riner) et Loïc (Pietri). L’un a perdu, l’autre combat vendredi. Si l’un des autres judokas arrive à se transcender, c’est un plus ». Cyril Maret a exaucé ses vœux.

Jusqu’à présent, les déceptions françaises s’étaient enchaînées sur le tatami de la Carioca Arena 2, que le public local transforme souvent en volcan lorsqu’un de ses protégés combat. Exit et pour la plupart très rapidement : Walide Khyar, Automne Pavia, Priscilla Gneto, Gévrise Emane ou encore Loïc Pietri, tous potentiellement médaillables.

Seule Clarisse Agbegnenou, en moins de 63 kg, avait répondu présente en montant mardi sur la deuxième marche du seul podium du judo français. De quoi effacer la légère déception de ne pas avoir conquis l’or, loin d’être inaccessible face à sa désormais nouvelle bête noire, la Slovène Tina Trstenjak, qui l’avait déjà privée l’an dernier de l’or aux Mondiaux. « J’espère que ça va lancer la dynamique », espérait la jeune femme de 23 ans.

Cet enchaînement de mésaventures, inhabituelles pour les judokas tricolores qui avaient par exemple remporté sept médailles à Londres en 2012 et pris la deuxième place du classement derrière la Russie, avait fini par agacer Franck Chambily, l’un des entraîneurs de l’équipe masculine. « La seule manière de gagner en judo, c’est de faire tomber. Et on n’arrive pas à faire tomber », commentait celui qui coache également Teddy Riner après la défaite de Loïc Pietri.

La médaille d’argent d’Audey Tcheuméo, la deuxième, et le bronze de Cyrille Maret, redonnent un peu le sourire aux Bleus mais n’efface pas tout. Demain, Teddy Riner combattra certainement pour remporter la seul médaille d’or française à Rio.