Mark Cavendish, sur le nouveau vélo de l’équipe britannique, visera la médaille d’or en omnium. | MATTHEW CHILDS / REUTERS

Le grand vainqueur des épreuves sur pistes aux Jeux olympiques de Rio – qui débutent jeudi avec l’épreuve de vitesse par équipe – sera-t-il un chercheur, resté dans son laboratoire britannique, néo-zélandais ou américain ? A en croire ces trois nations, et sans doute d’autres, c’est un peu ça : chacune affirme présenter au Brésil un vélo miraculeux.

Sur piste, où les médailles se jouent au centième de seconde, le matériel a une importance prépondérante. Par matériel, on entend : roues, cadre, tige de selle, selle, guidon, chaîne, combinaison, chaussettes, casque, chaussures… et l’on en oublie sans doute. Au siècle dernier, l’Union cycliste internationale (UCI) laissait une grande liberté aux fabricants dans la forme de la machine. Désormais beaucoup plus contraints, les chercheurs passent des années à améliorer le détail qui donnera aux cyclistes un avantage sur la concurrence.

Pendant ce temps, que fait la France, troisième en vitesse par équipes en 2012 et 2008 ? On ne sait pas. Elle a accumulé du retard sur le plan de la recherche – un peu – et sur le plan de la communication – beaucoup. Elle le refait petit à petit, mais la fédération est loin de s’en gargariser. Elle n’a pas organisé de présentation du nouveau vélo développé pour l’occasion, là où les sites spécialisés sont plein de reportages présentant sous tous les angles la machine des nations rivales.

« On a revu notre façon de fonctionner »

Le nouveau guidon français, et des gants olympiques dont forcément aérodynamiques. | Patrick Semansky / AP

Ce nouveau vélo existe pourtant, doté d’un guidon moulé pour chaque pistard. Grégory Beaugé est formel : « Il est meilleur. » Il faut poser la question au directeur technique national, Vincent Jacquet, pour en entendre parler plus précisément :

« Oui, il y a de nouvelles choses. On a travaillé nos guidons, les postures, les cotes, les combinaisons. On s’est octroyé les services de petites entreprises très performantes dans la micro-mécanique, qui travaillent avec Safran ou Airbus. Elles ont travaillé sur les revêtements, l’approche du poids du vélo, les matériaux de certaines parties du vélo. C’est une aventure qu’on écrit avec ces ingénieurs, qui sont contents de sortir de leur train-train quotidien. 
On a revu notre façon de fonctionner : avant, notre état d’esprit était de consommer ce que nous donnait le fournisseur. J’ai voulu entrer dans une relation de recherche et développement, inventer nos propres matériels, les penser par rapport au profil individuel de nos athlètes. Le guidon, la potence, la posture, la combinaison : tout a été individualisé. »

Le résultat du traumatisme des Jeux olympiques de Pékin et Londres, où les Britanniques avaient balayé les sprinteurs français avec un matériel mystérieux – certains soupçonnant même qu’ils soient équipés de roues électromagnétiques, du type de celles que l’UCI chasse aujourd’hui. La cellule de recherche et développement de la Fédération britannique, surnommée les « Secret Squirrels » (du nom d’un dessin animé), leur permettait de proposer à leurs coureurs un matériel faisant la différence.

« Tout le monde regarde les vélos des autres »

« Les Anglais ont toujours quelque chose de nouveau que nous on n’a pas ! s’amuserait presque Michaël D’Almeida, le dernier relayeur de la vitesse par équipes, en lice ce jeudi. On savait avant les Jeux que les Anglais allaient sortir des choses soit auxquelles on avait pensé et qu’on n’a pas eu, soit auxquelles on n’a même pas eu l’idée de penser. »

Grégory Baugé, qui vise l’or en vitesse individuelle et par équipes, dit avoir à peine jeté un œil, lors des premiers jours d’entraînement, au nouveau matériel de ses adversaires. « Rien ne nous fera trembler. » « Je dis à mes athlètes de ne pas regarder, surtout pendant les Jeux, pour ne pas être perturbé », dit Vincent Jacquet.

Laurent Gané, l’entraîneur de la vitesse, s’amuse du ballet d’un stand à un autre, où « tout le monde regarde les vélos des uns et des autres, personne ne se gêne », prenant même des photos.

La paranoïa est telle au centre du vélodrome que certaines équipes s’entraîneraient avec des « leurres », des vélos moins novateurs que ceux utilisés dans la compétition. Il est pourtant trop tard pour développer un nouveau vélo en catastrophe.

Forcément révolutionnaire

Les poursuiteurs britanniques à l’entraînement sur le vélodrome de Rio de Janeiro. | MATTHEW CHILDS / REUTERS

Les modèles utilisés à Rio sont en gestation depuis le début de l’olympiade, tel celui des Néo-Zélandais, qui ont commencé en août 2013 à développer un nouveau vélo pour les poursuiteurs et un autre pour les sprinteurs, qui seront les principaux adversaires de la France en vitesse par équipes.

Le vélo « All Black » est forcément révolutionnaire, plus léger avec une résistance à l’air réduite de 15 %. Le vélo des poursuiteuses américaines, favorites pour le titre, est forcément révolutionnaire, avec une transmission passée à gauche du vélo, ce qui leur ferait gagner trois secondes et demie sur les quatre kilomètres de l’épreuve. La combinaison des Britanniques, qui devraient dominer le tableau des médailles, est forcément révolutionnaire, puisqu’elle augmenterait les performances de 7 %, soit là encore trois secondes sur quatre kilomètres. Mieux ! La peinture des vélos britanniques, développée avec les écuries de Formule 1 McLaren, Red Bull et Mercedes, serait elle aussi révolutionnaire.

Bref, sur un vélodrome, rien n’arrête la révolution, et c’est à se demander si tous ces gens n’inventeront pas un jour des vélos qui pédalent tout seuls…