Gabriel Barbosa et Neymar se congratulent après le premier but brésilien, mercredi 10 août à Salvador. | Leo Correa / AP

Ce n’est pas encore le grand pardon, mais une consolation sans aucun doute. « Ça s’arrange », résume Douglas Felipe. Les yeux rivés sur l’écran du Leme-Light, l’un des bars de la rue Gustavo Sampaio, dans le quartier de Copacabana, le jeune homme affiche, comme la majorité de ses voisins de comptoir, un soulagement sans enthousiasme excessif. Après deux matchs nuls inquiétants, les footballeurs auriverde, sous la menace d’une élimination dès la phase de poules, l’ont emporté contre le Danemark (4-0), mercredi 10 août à Savador. Voici donc le Brésil de Neymar qualifié pour les quarts de finale.

Douglas Felipe fait partie des rares Brésiliens qui n’ont jamais abandonné la Seleção, même après la déroute mémorable contre l’Allemagne (7-1) en demi-finale de la Coupe du monde 2014. « Je suis patriote », explique-t-il. A ses côtés, devant un « chopp » [une pression], Josette Silva Oliveira, professeure de portugais, abonde : « Les Brésiliens n’abandonnent jamais ! »

Tous n’ont pas eu cette mansuétude. Descendu pour regarder le début du match, Ricardo Mignoni, commerçant de 42 ans, n’a tenu que quelques minutes avant de pester contre « la honte » que lui suscite la Seleção olimpica. Après une bière, l’homme est parti « au lit ».

Depuis plusieurs jours, les médias nationaux se moquaient du spectacle affligeant offert par les joueurs de Rogerio Micale et de leur peu d’efficacité offensive. « Sans jeu, sans but et sans amour », titrait le quotidien O Globo dans son édition papier, au lendemain du triste match nul face à l’Irak (0-0). Il est vrai que, lors de ses deux premières rencontres, le Brésil de Neymar n’avait pas réussi à faire trembler une seule fois les filets adverses, que ce soit face à l’Afrique du Sud ou contre l’Irak. La star du FC Barcelone paraissait méconnaissable, incapable de sublimer une formation dont les jeunes joueurs ne sont pas habitués à jouer ensemble. Au stade de Brasilia, contre l’Irak, des « Marta ! Marta ! » ironiques avaient même fusé de la part de supporteurs dépités, qui auraient préféré voir la talentueuse milieu de terrain brésilienne sur la pelouse.

« Le Brésil peut être champion »

Pourtant, s’il était resté au Leme-Light au lieu d’aller se coucher, Ricardo Mignoni aurait pu constater que l’équipe de mercredi « n’était plus la même », comme le résume Regis Amarante, ancien joueur professionnel devenu coach, attablé avec deux amis devant la rencontre. Dès la 25e minute, Gabriel Barbosa ouvre le score d’une frappe pas tout à fait maîtrisée. Et c’est le jeune attaquant du Santos FC (19 ans) aux bras tatoués, surnommé « Gabigol » par ses fans, qui conclut la large victoire d’un doublé, en fin de match (80e). Entre-temps, Gabriel Jesus (39e), puis Luan (49e) ont donné plus d’ampleur au score face à de faibles Danois, tout de même qualifiés eux aussi.

« Le Brésil peut être champion », ose croire João Miguel Fernandes, professeur d’éducation physique. Finis les sarcasmes jugeant les footballeurs trop bien payés pour trottiner sur le terrain. On trouve désormais toutes les excuses pour une équipe qui n’a eu que peu de temps pour se préparer et « sous pression » dans un pays qui n’a jamais gagné de médaille d’or olympique en football. Aussi incroyable que cela puisse paraitre, la Seleção, arrivée trois fois deuxième (1984, 1988, 2012) et deux fois troisième (1996, 2008), n’a jamais remporté de finale aux Jeux. Les femmes comptent de leur côté deux médailles d’argent (2004, 2008).

Gabriel Barbosa inscrit le quatrième but brésilien face au Danemark, mercredi 10 août. | FERNANDO DONASCI / REUTERS

Alors que les souvenirs douloureux de la Coupe du monde 2014 et de la Copa America 2016 restent vifs, les Jeux apparaissent désormais comme un lot de consolation. Au troisième but des Auriverde, les spectateurs se réveillent. Josette lâche un « Goooaaal ». « On a une deuxième chance », veut croire João Miguel Fernandes. Neymar joue bien, entraînant ses coéquipiers avec lui. Le match nul contre l’Irak semble bien loin. Les rêves d’or olympique ne se sont pas évanouis.

Après cette large victoire, la Seleção affrontera la Colombie en quarts de finale, samedi 13 août à São Paulo. Avant, peut-être, de retrouver l’Allemagne en finale, sept jours plus tard à Rio. Une perspective aux allures de revanche, deux ans après le traumatisme du Mondial. Mais il en faudra plus pour laver l’honneur footballistique du Brésil. « Rien ne pourra compenser la défaite de 2014, estime João Miguel Fernandes. Même si l’on gagne cinq fois d’affilée contre les Allemands, rien n’effacera ce souvenir. On n’oubliera jamais. »