La montagne a accouché d’une souris. Mise en place par décret fin 2015 et pensée pour désengorger les tribunaux, la transaction pénale devait permettre aux policiers d’infliger une amende aux petits usagers de cannabis sans mettre en branle toute la machine judiciaire. Mais elle n’a pas vraiment rencontré le succès escompté. C’est l’un des constats dressés par le groupe de travail piloté par la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), que Le Monde a pu consulter : « Le dispositif de la transaction pénale, qui nécessite de dresser une procédure, de recueillir l’avis du procureur de la République puis la validation d’un juge du siège, n’apporte pas de plus-value en termes de charge de travail par rapport aux autres mesures existantes telles la composition pénale et l’ordonnance pénale », écrivent les auteurs.

Le dispositif a échoué à alléger le système, à tel point que, d’après nos informations, il n’est pas du tout mis en œuvre par le parquet du tribunal de grande instance de Bobigny (Seine-Saint-Denis), qui est pourtant la deuxième juridiction en France en termes de contentieux liés aux stupéfiants. A Paris, le parquet expérimente la transaction pénale depuis janvier dans seulement trois arrondissements, le 7e, le 15e et le 20e. Elle n’est proposée qu’aux usagers sans antécédents de condamnation, qui auraient en temps normal fait l’objet d’une mesure alternative aux poursuites telle qu’un rappel à la loi.

13 transactions en cinq mois

Son montant ne peut d’ailleurs pas excéder le tiers de l’amende encourue pour usage de stupéfiants (3 750 euros). « On est en train de voir comment les policiers s’en emparent », explique le parquet de Paris. D’après les premiers chiffres disponibles, il y a eu, entre janvier et fin mai, uniquement 13 transactions pénales pour usage de cannabis.

A la chancellerie, on explique que la mesure « n’a pas vraiment été déployée sur tout le territoire » en l’attente de l’issue d’un recours en annulation, porté par le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature, du décret d’application du 15 octobre 2015 : « Le recours devant le Conseil d’Etat comprenait une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel devrait rendre sa décision à la rentrée. »

A l’origine, la transaction pénale avait été pensée sur le modèle des douanes. « L’idée était de permettre aux services de police judiciaire de terminer une affaire en transigeant avec les personnes, compétence jusque-là réservée aux douaniers », explique-t-on à la Mildeca. La transaction douanière se fait en accord avec les parquets. Au TGI de Bobigny, par exemple, il est prévu que les douanes, qui interviennent sur l’aéroport de Roissy et la gare routière internationale de Paris-Gallieni, puissent automatiquement proposer des transactions pour une détention de cannabis dans la limite de 100 grammes.

Depuis 2002, des opérations couplées police-douanes ont permis d’élargir le recours à cette méthode sur le territoire. Ainsi, au printemps 2015, après une fusillade au cours de laquelle trois personnes avaient été blessées à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé un plan antidrogue qui comprenait le recours à ces « transactions douanières » pour cibler les consommateurs. Signe que, jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat, frapper l’usager au portefeuille paraît de bon sens.