Dans l’une des échoppes de la jungle de Calais, le 12 août. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Peu après midi, vendredi 12 août, au cœur de la « jungle » de Calais, la bonne nouvelle commence à se répandre : le tribunal administratif de Lille a débouté la préfecture du Pas-de-Calais de sa demande en référé d’éradiquer tous les commerces informels sur le camp de migrants. Une défaite pour l’Etat, et une victoire pour les associations. « Ça nous donne de l’espoir sur le fait qu’on puisse avoir une petite influence », se réjouit Maya Konforti, de l’Auberge des migrants.

Sourire aux lèvres, Maya arpente l’allée principale du bidonville calaisien et interpelle les réfugiés pour leur annoncer la décision de la justice. « Wahou », s’exclame Khan, un réfugié afghan qui tient une épicerie : « Je suis heureux. Pour nous, ces magasins sont un besoin, une nécessité. »

Une décision qui survient alors que selon le dernier comptage réalisé par l’association et Help Refugees, du 6 au 9 août, 9 106 personnes vivent sur le site. Une situation que déplorent les associations. « Nous sommes en plein boum. Les files d’attentes sont vraiment importantes dans les points de distribution. Supprimer ces lieux de vies, c’est créer des conflits supplémentaires et revenir en arrière. Les réfugiés ont besoin d’autonomie », explique Gaël, de l’association Utopia56.

Devant l’une des échopes de la jungle de Calais, le 12 août. | PHILIPPE HUGUEN / AFP

Dans son ordonnance, le juge estime que « les préoccupations exprimées par le préfet du Pas-de-Calais sont tout à fait compréhensibles », mais que « les conditions d’urgence et d’utilité requises » par la loi « ne sont pas remplies pour faire droit » à sa demande « que soient expulsés les gérants des 72 structures de vente illégales recensées » sur le site.

« Nous sommes vraiment soulagés. La qualité des témoignages que nous avons recueillis et présenté devant le tribunal administratif de Lille a permis de montrer la réalité du camp », affirme Valérie, bénévole d’Utopia56.

« Lieu de rencontre apaisé »

Dans son ordonnance, le juge des référés Jean-François Molla ne conteste pas que ces commerces « ne bénéficient d’aucune autorisation administrative » et que « certaines structures (…) ne respectent pas les règles sanitaires les plus élémentaires ». Toutefois, souligne-t-il, « ces épiceries, cafés, restaurants remplissent d’autres fonctions » que l’alimentation des migrants qui « vivent dans des conditions de précarité extrême et de total désœuvrement ». Ces lieux, ajoute-t-il, « constituent des lieux de rencontre apaisés entre migrants et avec [les] bénévoles (…) ».

Après le jugement, Vincent Berton, le sous-préfet de Calais a toutefois annoncé un pourvoi en cassation auprès du Conseil d’Etat pour demander l’évacuation de ces 72 commerces sur la zone nord du camp de la Lande. « Il y a une situation d’urgence sur le plan de la sécurité, il est nécessaire d’évacuer ces lieux, explique-t-il au Monde. Le respect de l’ordre public, le respect de l’Etat de droit justifient d’aller au bout de cette procédure, nous allons poursuivre ces contrôles sur ces lieux d’illégalité. »