Nicolas Sarkozy, le 9 juillet, à Kriegsheim (Bas-Rhin). | FREDERICK FLORIN / AFP

Editorial du « Monde ». S’il ne s’est pas encore déclaré, Nicolas Sarkozy est en campagne. Pour la primaire de la droite en novembre, d’abord. Pour l’élection présidentielle de 2017 ensuite, tant sa détermination est grande à effacer sa défaite de 2012 et imperturbable sa conviction d’y parvenir. Chacun le sait, faire campagne est – avec la bicyclette – son sport favori. Il le démontre une nouvelle fois cet été.

En juillet, après le terrible attentat de Nice et l’assassinat du Père Jacques Hamel à Saint-Etienne-du-Rouvray, il multiplie, dans nos colonnes, les propos martiaux et les propositions musclées. Fustigeant une gauche « tétanisée » dont la philosophie est dépassée et dont le discours « ne correspond plus à la réalité », l’ancien président de la République estime qu’il n’est plus possible de « rester dans la cadre actuel face à une situation exceptionnelle qui a vocation à durer ». Bref, il faut « adapter l’Etat de droit », tout en prenant la précaution d’ajouter que cela « ne veut pas dire le remettre en cause ».

Profitant de la torpeur estivale, il vient de prolonger son offensive dans les colonnes de Valeurs actuelles, sur le même ton et avec les mêmes cibles. « La guerre nous a été déclarée. La France doit être impitoyable, elle doit faire changer la peur de côté. Elle ne doit pas se perdre dans des débats abscons. L’Etat de droit, par exemple, n’a rien à voir avec les Tables de la Loi de Moïse, gravées sur le mont Sinaï. Qu’y a-t-il de plus évolutif que le droit? », lance-t-il.

Tactique électorale

Il propose, en particulier, de faire évoluer en profondeur le droit du sol, principe fondamental selon lequel toute personne née en France se voit attribuer la nationalité française. « Je suis contre sa suppression, mais pour sa modification assez substantielle », déclare M. Sarkozy. Lequel recommande qu’il ne s’applique plus de manière « automatique » : « Il faudra créer une présomption de nationalité », permettant de ne plus l’attribuer à quelqu’un qui aurait un casier judiciaire à sa majorité ou dont on pourrait prouver que ses parents étaient en situation irrégulière à sa naissance. Et le président des Républicains ajoute plusieurs mesures déjà évoquées, notamment l’interdiction du voile à l’université et la suppression des menus de substitution dans les cantines scolaires.

Ces propositions relèvent, évidemment, de la tactique électorale. Pour la primaire, l’objectif est simple : centrer le débat sur ses thèmes de prédilection, les imposer à ses concurrents et marquer toujours davantage sa différence avec le principal d’entre eux, Alain Juppé. Ce dernier « défend l’identité heureuse. Je n’ai pas la même vision », tranche Nicolas Sarkozy. Mais cela vaut aussi, et sans ambiguïté, pour la présidentielle : il entend « ramener vers nous [les électeurs du Front national] en répondant à leurs attentes ».

On ne peut que s’inquiéter d’une telle posture – et la condamner. D’une part, elle banalise dangereusement une conception élastique, pour ne pas dire opportuniste, de l’Etat de droit et des valeurs de la République : évoquer une « présomption de nationalité » revient, en réalité, à introduire une présomption générale de culpabilité pour tout Français né de parents étrangers. D’autre part, elle reprend à son compte et acclimate en quelque sorte les propositions de toujours du Front national. Or personne ne devrait ignorer que, en la matière, les Français ont toujours préféré l’original à la copie.