Dans les tribunes de la Beach Volleyball Arena lors du match entre le Brésil et Cub, le 7 août, à Rio. | LEON NEAL / AFP

Il reste vingt secondes à jouer lorsque le basketteur Pau Gasol se présente, mardi 9 août, sur la ligne des lancers francs. Une véritable bronca se déchaîne dans la Carioca Arena. Des insultes fusent, accompagnées de quelques doigts d’honneur. Cette pression est-elle la cause de ses deux échecs inhabituels ? L’Espagne, qui menait de 1 point, s’incline finalement sur l’action suivante (66-65) face à la sélection auriverde.

Depuis le début des Jeux olympiques, le public brésilien, tour à tour soutien inconditionnel, exubérant et parfois excessif de ses sportifs, ne laisse en tout cas personne indifférent. Les Brésiliens eux-mêmes s’en interrogent. Le quotidien O Globo titrait ainsi dans son édition du mardi 9 août : « Les Brésiliens irritent les étrangers en vibrant dans les tribunes olympiques comme dans les stades de football. »

Comme au basket, les sports collectifs ne sont pas totalement dépaysés par cet enthousiasme débordant. Au volley, sous le toit du Maracanazinho, s’élève une clameur rappelant celle du stade Maracana, juste à côté. Maillot de la seleçao de football sur le dos, on siffle le serveur adverse et on crie à chaque smash de la star Ricardo Lucarelli.

Au beach-volley, autre sport chéri par les locaux, le comportement est similaire mais ne choque pas le Cubain Sergio Gonzalez : « C’est très beau de jouer contre les Brésiliens chez eux, cela procure beaucoup d’émotions. C’est sûr qu’il faut mettre l’ambiance de côté. Mais ils encouragent leur équipe, c’est normal. »

« Pas génial mais pas méchant »

Dans d’autres disciplines, moins habituées à ce genre d’atmosphère, certains sportifs ont plus de mal. Samedi 6 août, la Carioca Arena 3 a pris des allures de stade de football. L’épéiste Lauren Rembi affrontait une Brésilienne. Les spectateurs, vêtus encore de maillots de foot, n’ont pas fait de cadeau. « C’est un mauvais public, qui hue l’adversaire quand il touche et crie pendant les matchs », s’agaçait Joséphine Jacques-André-Coquin, sœur de Rembi et également escrimeuse tricolore.

L’entraîneur national de l’épée, Hugues Obry, était lui plus mesuré : « Finalement, l’ambiance survoltée a permis à Lauren de se transcender. Et ça modernise un peu notre sport. » Un avis confirmé par l’escrimeuse brésilienne Nathalie Moellhausen, qui démystifie certains excès de ses supporteurs : « Les sifflets, ce n’est pas génial mais ce n’est pas méchant. Il y a une tradition d’essayer de déstabiliser l’adversaire. Ici, les gens sont passionnés. »

Il y a une situation où le manque de « fair-play » des supporteurs brésiliens est manifeste : lorsqu’il s’agit d’affronter le frère ennemi argentin

Au judo, qui a offert sa première médaille d’or au Brésil grâce à Rafaela Silva (- de 57 kg), la Carioca Arena 2 a des allures de cocotte-minute lorsqu’un combattant auriverde approche le tatami. Jeudi, en demi-finales, la Française Audrey Tcheuméo a dû être très solide pour résister à la pression lors de son combat face à la chouchoute du public, Mayra Aguiar. Le manageur des équipes de France, Eric Buonomo, s’il est impressionné par le niveau de décibel, ne ressent pas d’animosité : « Ils sifflent certaines décisions, mais dès que leur judoka a perdu, aussitôt ils oublient et applaudissent. On n’est pas en terrain hostile. »

En natation, le public du centre aquatique de Barra da Tijuca fait même preuve d’une réjouissante naïveté. Il enflamme le bassin malgré l’absence de médaille. Une place de 3e en séries est célébrée avec la même ferveur qu’une médaille de bronze. Une qualification en finale, comme un titre olympique. L’ambiance délirante donne d’ailleurs des ailes temporaires aux nageurs locaux, qui partent en général comme des dératés avant de rétrograder.

« Ziiiiika ! Ziiiiika »

Il y a cependant une situation où le manque de « fair-play » des Brésiliens est manifeste, c’est lorsqu’il s’agit d’affronter le frère ennemi argentin. Dans une tribune intitulée « Le supporteur brésilien encourage, mais a besoin d’éducation », publiée dans le quotidien la Folha de Sao Paulo, mercredi 10 août, la journaliste Mariana Lajolo rappelait à l’ordre ses compatriotes, citant les huées pour la judokate Paula Pareto, championne olympique des moins de 48 kilos, dont « la seule faute était d’avoir un drapeau argentin cousu sur le kimono ».

Plus réjouissant, le public brésilien raffole en revanche des affrontements de type David contre Goliath. Comme beaucoup d’autres à Rio, les handballeuses et handballeurs français ont en fait la surprenante expérience. Lors de leur match d’ouverture, les Brésiliens ont pris fait et cause pour l’équipe menée, que ce soit les Pays-Bas face aux premières ou la Tunisie face aux seconds. La Tunisie avait d’ailleurs effectué en vain un spectaculaire come-back, déclenchant de vrombissants « Tunisia ! Tunisia ! » en la présence d’à peine cinquante fans tunisiens.

Inconditionnel de ses favoris, frondeur et chambreur jusqu’à la limite, le public carioca ne manque parfois pas d’humour. En réponse à la gardienne de but des Etats-Unis Hope Solo, qui avait affiché sa peur du virus, la foule a redoublé de « Ziiiiika ! Ziiiiika ! », singeant le fameux moustique et moquant la paranoïa de l’Américaine.