Angela Merkel, le 28 juillet, à Berlin. | Markus Schreiber / AP

Editorial du « Monde ». C’était il y a un an. Les images avaient stupéfié une bonne partie de l’Europe : par centaines de milliers, les réfugiés de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Afrique déferlaient en Allemagne et y étaient accueillis en fanfare, nourris et logés, avant de se voir, pour bon nombre d’entre eux, accorder l’asile politique. C’était il y a un an et Angela Merkel résumait d’une formule son ambition autant que sa philosophie : « Wir schaffen das » – « nous y arriverons ».

La chancelière allemande bénéficie encore d’une popularité à faire pâlir d’envie ses voisins européens. Mais elle fait sa rentrée politique, lundi 15 août, dans un climat singulièrement différent de celui qui prévalait à l’été 2015. Elle a enregistré, en juillet, une baisse significative de la confiance que lui accordent ses concitoyens. Son pays commence à douter sérieusement de la politique d’accueil des réfugiés dont elle s’est faite la championne. Non seulement les Allemands mesurent avec inquiétude l’ampleur des efforts que nécessite désormais l’intégration du 1,1 million de migrants arrivés en dix-huit mois. Mais, surtout, traumatisés par les attaques commises en France, ils redoutent d’être, à leur tour, atteints par des attentats djihadistes.

Même si elles ne sont pas de même ampleur et n’avaient pas toutes des motivations religieuses, les agressions commises en Bavière en juillet – dans un train à Würzburg, dans un centre commercial de Munich et devant un restaurant d’Ansbach – ont sérieusement altéré le climat politique. Pour ne rien arranger, le putsch raté en Turquie est venu tendre un peu plus les relations avec Ankara, très sensibles dans un pays où réside une importante communauté turque.

L’angoisse du défi de l’intégration

Ces dernières années, l’Allemagne semblait à l’abri des débats sur les questions sécuritaires et identitaires qui agitent la plupart de ses voisins, à commencer par la France, la Belgique, les Pays-Bas ou l’Autriche. C’est cette exception allemande qui paraît aujourd’hui sérieusement ébranlée, voire menacée. L’angoisse du défi de l’intégration, après les événements de Cologne, le 31 décembre 2015, et les attentats de juillet, traverse désormais tous les courants politiques. C’est évidemment le cas du parti d’extrême droite AfD, créé au plus fort de la crise de l’euro et qui progresse, depuis, dans presque toutes les régions en développant une violente propagande islamophobe et xénophobe.

Mais c’est désormais le cas, également, des partis de droite au pouvoir, CDU et surtout CSU bavaroise, tenaillés par des questions déjà anciennes dans d’autres pays européens : faut-il autoriser la burqa dans l’espace public ? Un terroriste binational peut-il être déchu de sa nationalité ? Les binationaux, dont nombre d’entre eux d’origine turque, sont-ils vraiment loyaux ? Les classes populaires, qui jusqu’ici ont accepté la hausse de la précarité et des bas salaires au nom de la compétitivité de leur économie et contre la promesse d’un avenir meilleur pour leurs enfants, commencent à douter.

L’Allemagne des années Merkel reste celle d’une affirmation de soi et d’une fierté nationale longtemps interdite, Histoire oblige. Ses succès économiques sont indéniables. L’accueil massif des réfugiés est à son honneur. Et le pays reste le pôle de stabilité d’une Europe flageolante sur ses principes et hésitante sur son avenir. A condition de tenir bon sur la devise de la chancelière, ce « Wir schaffen das » lancé il y a un an.