Capture d’une vidéo postée par une jeune femme qui pose sur la plage en « burkini » avec des amies. | AP

Après plusieurs jours de polémique relayée jusque dans les colonnes du New York Times, le tribunal administratif de Nice a donné raison à la mairie de Cannes, samedi 13 août, qui a interdit le port du burkini sur les plages de la ville. Le tribunal a rejeté un recours du Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF) et de trois particuliers. Ces derniers ont annoncé qu’ils allaient faire appel au plus vite, soit dès mardi 16 août. Le Conseil d’Etat devra se prononcer sur le fond dans les 48 heures. Une première alors que deux autres communes ont pris un arrêté similaire : Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes), le 5 août, et Sisco, en Corse, suite aux violents heurts du week-end, le 15 août.

Celui de la mairie de Cannes avait été déposé, le 28 juillet, à l’origine sans publicité. C’est par hasard, après que des particuliers l’ont relayé sur Facebook, que le CCIF dit en avoir été informé. L’arrêté interdit les plages à « toute personne n’ayant pas une tenue correcte, respectueuse des bonnes mœurs et de la laïcité, respectant les règles d’hygiène et de sécurité des baignades adaptées au domaine public maritime et d’autre part le port de vêtements pendant la baignade ».

« On n’interdit pas le voile, ni la kippa, ni les croix »

Aucune femme n’a été jusqu’à présent verbalisée dans le cadre de cet arrêté, selon le CCIF. C’est d’ailleurs à ce titre que l’association n’a pas souhaité immédiatement porter l’affaire devant les tribunaux, d’après son avocat Me Sefen Guez Guez. Une manière d’éviter toute publicité de cette décision « discriminatoire », « contre des femmes qui ne commettent aucun délit », justifie-t-il. Mais la polémique a pris le relais.

Le burkini n’est jamais ni désigné ou décrit en tant que tel, dans l’arrêté cannois. En pratique, il peut être difficile à distinguer de vêtements classiques, les femmes se baignant souvent habillées. Mais interrogé par Nice Matin, le maire de Cannes, David Lisnard (LR), a précisé sa démarche : « J’ai pris cet arrêté parmi tant d’autres pour assurer la sécurité de ma ville dans un contexte d’état d’urgence (…) On n’interdit pas le voile, ni la kippa, ni les croix, j’interdis simplement un uniforme qui est le symbole de l’extrémisme islamiste. »

Une position qui en a surpris plus d’un dans les milieux musulmans azuréens malgré le contexte de précampagne pour la primaire des Républicains, M. Lisnard s’étant plutôt montré accommodant sur les questions de culte, à leurs yeux, ces dernières années. Notamment par l’octroi d’un terrain municipal sous la forme de bail emphytéotique dans le quartier de La Bocca, destiné à la construction de la grande mosquée Iqraa, inaugurée en avril 2014, et financée par un donateur saoudien.

« Risque de trouble à l’ordre public »

Pour étayer sa décision, que Le Monde a pu consulter, le tribunal administratif de Nice s’est appuyé sur l’arrêt du conseil constitutionnel de novembre 2004 pris, à l’époque, dans le cadre de l’examen de la loi sur le port des signes religieux à l’école. Cet arrêt stipulait alors que « le droit à chacun, individuellement ou collectivement, de manifester, par ses pratiques, sa conviction religieuse en public (…) se trouve sujet aux mêmes restrictions, tenant notamment à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé et de la morale publics ».

Il détaille ensuite sa décision comme suit : « Dans le contexte de l’état d’urgence et des récents attentats islamistes survenus notamment à Nice (…) la forme de tenues de plage affichant leur religion (…) sont de nature à créer ou exacerber des tensions (…) et un risque de trouble à l’ordre public (…) Le port d’une tenue vestimentaire distinctive (…) peut en effet être interprétée comme n’étant pas (…) qu’un simple signe de religiosité. » Et conclut : « La mesure de police limitée au mois d’août prise par le maire de Cannes (…) n’est pas disproportionnée par rapport au but poursuivi. »

Un précédent du même genre avait eu lieu, à l’été 2014, en région parisienne. Le maire de Wissous (Essonne) avait pris, coup sur coup, deux arrêtés interdisant l’accès de sa base de loisirs à toute personne portant des « signes religieux », dans le premier cas, et « ostentatoires susceptibles d’occasionner un trouble à l’ordre public », dans le second. Le tribunal administratif de Versailles lui avait donné tort à chaque fois.