Fethullah Gülen dans sa maison en Pennsylvanie, le 29 juillet. | ? Charles Mostoller / Reuters / REUTERS

Le parquet turc a requis deux peines de prison à vie et une peine supplémentaire de 1 900 ans d’emprisonnement à l’encontre de l’ex-imam Fethullah Gülen, accusé d’avoir ourdi le putsch avorté du 15 juillet en Turquie.

Dans l’acte d’accusation de 2 527 pages, approuvé par les procureurs de la région d’Usak selon les informations diffusées mardi 16 août par l’agence de presse Anatolie, le prédicateur est accusé d’avoir « tenté de détruire l’ordre constitutionnel par la force » et « formé et dirigé un groupe terroriste armé ». Les procureurs accusent le réseau Gülen, baptisé par Ankara « organisation terroriste Fethullah » (FETO), d’avoir infiltré les institutions et les services de renseignement.

Le FETO est également accusé d’avoir rassemblé des fonds versés par des hommes d’affaires sous couvert de « dons », et d’avoir transféré l’argent aux Etats-Unis via des banques aux Emirats arabes unis, en Afrique du Sud, Tunisie, Maroc, Jordanie et Allemagne. L’accusation soutient enfin que le groupe s’est appuyé sur son réseau de fondations, écoles privées, entreprises, sociétés d’assurance ou encore médias pour prendre le contrôle des institutions turques.

Une enquête déjà ouverte en septembre

Cette réquisition est une étape de plus dans l’offensive menée par le régime contre Fethullah Gülen, désigné par le président Erdogan comme étant responsable du putsch raté du 15 juillet. Un tribunal d’Istanbul avait émis le 4 août un mandat d’arrêt à l’encontre du prédicateur, exilé aux Etats-Unis depuis 1999. Fethullah Gülen nie pourtant toute implication dans ce coup de force, comme il l’a notamment expliqué dans une tribune au Monde publiée le 12 août.

Fethullah Gülen est la bête noire du président Erdogan depuis des années. Il est accusé depuis des années d’être à la tête d’un « Etat parallèle », en particulier depuis la révélation en 2013 d’un scandale de corruption impliquant M. Erdogan.

Une enquête avait déjà été ouverte sur la FETO et son mode de financement en septembre 2015 par les procureurs de la région d’Usak. Depuis lors, 111 personnes ont été visées dans cette affaire et risquent entre deux ans de réclusion et la prison à vie. Treize suspects sont toujours en détention préventive.

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« Procès juste et impartial »

La démarche du parquet turc s’inscrit également dans les manœuvres d’Erdogan pour punir les responsables de la tentative de coup d’Etat, et éviter que de tels événements ne se reproduisent – ce qui a conduit notamment au limogeage de milliers de fonctionnaires et à la fermeture d’agences de presse.

Dès le surlendemain du coup avorté, le président Erdogan, promettant d’éliminer un « virus » factieux au sein de l’Etat, avait évoqué dans ce contexte un possible rétablissement de la peine capitale, abolie en 2004 dans le cadre de la candidature d’Ankara à l’entrée dans l’Union européenne.

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Mardi 16 août, le premier ministre, Binali Yildirim, s’est toutefois prononcé devant le Parlement en faveur d’un « procès juste et impartial » pour M. Gülen. « Gülen va rentrer en Turquie et il rendra des comptes », a-t-il martelé lors de sa harangue hebdomadaire devant les députés de son parti. Il a à cette occasion semblé faire machine arrière sur un possible rétablissement de la peine de mort en Turquie : « Une personne ne meurt qu’une seule fois lorsqu’elle est exécutée. Il existe des façons de vivre qui ressemblent davantage à la mort pour ces gens. »

Turquie : Erdogan demande l’extradition de Fethullah Gülen
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