Le référendum britannique du 23 juin sur la sortie de l’Union européenne s’est en partie joué sur le thème de l’immigration. Durant leur campagne, certains pro-Brexit, favorables à un contrôle renforcé aux frontières, ont désigné les immigrés comme responsables d’une série de problèmes : leur présence tirerait les salaires vers le bas tout en faisant flamber les prix des logements, elle provoquait l’engorgement des hôpitaux tout en privant les Britanniques d’emplois dans certaines régions…

Selon Resolution Foundation, un think-tank britannique indépendant, au moins l’un de ces arguments ne tiendrait pas la route. Dans une étude publiée mardi 16 août, Stephen Clarke, chercheur au sein de l’institution, estime ainsi qu’en cas de réduction du flux net d’immigrés de 330 000 à 99 000 personnes par an, les salaires augmenteraient de 0,2 % à 0,6 % d’ici à 2018 dans les secteurs où les étrangers sont les plus présents.

16 % d’immigrés dans la population totale

Mais cette hausse négligeable serait plus que balayée par la baisse de 2 % des revenus réels provoqués par les incertitudes entourant le Brexit et la dépréciation de la livre sterling, ajoute l’étude, reprenant ici une estimation de la Banque d’Angleterre. « Non seulement réduire l’entrée d’immigrants ne doperait pas spécialement les salaires, mais en plus, cela engendrait une série de complications dans certains secteurs », détaille l’auteur.

Pour parvenir à ces résultats, Resolution Foundation a réalisé des projections en se penchant, d’abord, sur l’impact de l’immigration enregistrée dans le pays ces dix dernières années. Entre 2000 et 2014, la part des immigrés dans la population totale a ainsi augmenté de 10 % à 16 %. Plus de la moitié d’entre eux viennent de pays non européens. Ceux originaires de l’Union ont touché un salaire de 8,33 livres (9,64 euros) par heure en moyenne, soit 2,76 livres de moins que les Britanniques. De quoi tirer les salaires de ces derniers vers le bas ?

Un peu, en particulier pour les moins diplômés. Selon l’étude, le salaire horaire aurait ainsi été de 0,03 livre plus élevé si l’immigration avait été nulle sur cette période, et de 0,02 livre si celle-ci avait été limitée à 99 000 personnes par an. Un montant plutôt négligeable.

Hôtellerie et aide à la personne

D’autant qu’en cas de contrôle renforcé aux frontières, certains secteurs seraient confrontés à de sérieux déséquilibres, prévient le think-tank. A l’exemple des services à la personne ou de l’hôtellerie, où plus de 30 % du personnel est étranger. « Il est peu probable qu’un grand nombre de Britanniques, même ceux sans emploi, soient soudain attirés vers ces jobs très peu rémunérés », souligne M. Clarke. Ces secteurs feraient donc face à une pénurie de main-d’œuvre difficile à combler.

L’étude de Resolution Foundation n’est pas la première à se pencher sur l’impact de l’immigration sur l’économie britannique. La question fait l’objet d’une passe d’armes statistique récurrente outre-Manche. Selon l’University College de Londres, la contribution « nette » des immigrés pour les finances publiques du pays aurait été de 20 milliards de livres entre 2001 et 2011, tandis que l’Organisation de coopération et de développement économiques estime que, depuis 2005, ils ont contribué à près de la moitié de la croissance chaque année. Des chiffres contestés par les pro-Brexit. Le think-tank très conservateur Migration Watch UK estime ainsi que les immigrés coûtent plutôt de 4 à 17 milliards de livres par an au pays, et publie toutes les mois des communiqués détaillant leur impact sur l’immobilier ou le système social. Autant dire que la bataille des chiffres sur le sujet est loin d’être terminée.