Le meneur des Bleus Tony Parker. | ANDREJ ISAKOVIC / AFP

Après la défaite – d’un cheveu – face aux Etats-Unis, Nicolas Batum avait exercé ses talents de devin devant la presse. La France avait encore trois adversaires possibles en quarts de finale, mais l’ailier français n’en voyait qu’un : l’Espagne.

« Que j’aie envie ou pas que l’on se rencontre, c’est comme ça que ça va se passer. C’est écrit, à chaque fois. »

Evidemment, l’Espagne a battu l’Argentine pour valider son réveil – face à la Lituanie, balayée de 50 points, on avait quelques doutes sur la motivation des Baltes – et évidemment, la France et l’Espagne sont tombées l’une contre l’autre.

S’il se répète chaque année en grand championnat depuis 2009, toujours en match couperet – sauf en 2010 –, le duel ne perd rien en saveur. Au contraire. Plus les rancœurs mijotent, plus elles donnent du goût. Ce France-Espagne est considéré comme une belle sur terrain neutre, après la victoire de l’un sur l’autre à l’extérieur (France victorieuse en quart de finale de la Coupe du monde 2014 à Madrid, Espagne victorieuse en demi-finale de l’Euro 2015 à Lille). Voici les pièges à éviter pour la gagner.

  • Pau Gasol

L’an dernier, Gasol était venu jouer l’Eurobasket en France presque autant pour « faire fermer leur putain de gueule » aux Bleus, ce qui fut fait, que pour gagner la compétition, ce qui fut fait également. Avec notamment 40 points marqués en demi-finale, il avait été d’un apport considérable à l’Espagne.

« C’est le joueur le plus dominant du basket européen de ces dix dernières années, de façon incontestable, car c’est plus facile pour un intérieur de dominer en Europe qu’en NBA », souligne l’entraîneur français Vincent Collet.

« Gasol a toujours été la clé de cette équipe », résume Nando De Colo, intronisé première lame de l’attaque française dans ces JO. « Le contrer sera une des grosses clés du match. Si on veut gagner, il faudra trouver un moyen de le freiner », renchérit Nicolas Batum. Le freiner, Rudy Gobert sait le faire. L’an dernier, sa défense avait permis à la France de mener au score jusqu’à ce que Gasol soit libéré par la sortie de Gobert, auteur d’une quatrième faute.

Collectivement, les Bleus l’avaient muselé lors du quart de finale des JO de Londres et il y a deux ans en Espagne. Le problème, c’est qu’à trop se concentrer sur Gasol, on peut en oublier les arrières de la Roja, qui profitent de ses ballons. Dont Rudy Fernandez, très adroit depuis le début du tournoi.

« On doit trouver un moyen de réduire son rayonnement tout en ne permettant pas aux autres de faire ce qu’ils veulent. Il faut être plus subtil, prévoir le premier danger mais aussi le deuxième, car le deuxième pique autant que le premier. »

En attaque, il faudra forcer ce protecteur du panier à s’en écarter, en étant patient et en faisant tourner la balle jusqu’au bout de la possession.

  • Ne pas perdre la bataille des arbitres

« Dur de jouer quand quelqu’un peut vous toucher mais que vous n’en avez pas le droit ! » Telle était la première réaction de Rudy Gobert après la défaite française l’an dernier. Pau Gasol avait obtenu 18 lancers francs, certains pour des broutilles. Les stars ont toujours le droit à une protection particulière de la part des arbitres, mais Tony Parker n’avait pas bénéficié du même traitement que le pivot espagnol des Chicago Bulls. L’entraîneur italien de l’Espagne, Sergio Scariolo, et le reste du banc, sont connus pour mettre une pression particulière sur les arbitres tout au long de la rencontre.

Aux JO, pas de raison que cela change. Même Luis Scola, malgré l’avantage du terrain – les supporteurs argentins du basket sont très nombreux à Rio – et sa longue carrière NBA, a écopé d’une faute « totalement imaginaire » sur Gasol lundi, selon Vincent Collet.

« C’est malheureusement quelque chose avec lequel il va falloir encore composer. Même si c’est pas facile, car ça compte », dit le sélectionneur français, qui l’an dernier en avait fait le thème majeur de sa conférence de presse d’après-match. La meilleure façon de ne pas se mettre dans la même position sera, comme le dit Boris Diaw un espresso à la bouche, « de s’adapter en ne le laissant pas jouer des un-contre-un ».

  • Gérer l’émotion

Un confrère a eu le malheur de commencer ainsi sa question à Nicolas Batum :

« Pour cette génération, ce sera le dernier match de... 

– Dernier match ?

– Dernier tournoi, pardon.

– Ce serait cruel de terminer contre eux. Il ne faut pas finir là-dessus. »

Le dernier match en bleu, si la France perd, de Tony Parker, Florient Piétrus et Mickaël Gelabale. Dernier match en rouge, peut-être, de quelques légendes du basket espagnol comme Pau Gasol ou Juan-Carlos Navarro, même s’ils n’ont rien annoncé. Dernier match peut-être aussi de Vincent Collet, qui n’a pas encore décidé de prolonger à la tête de l’équipe de France, mais qui ne cache pas la fatigue que représente le cumul des Bleus et du club de Strasbourg.

« Comment vouliez-vous que ça se termine... On est sur le point de passer à autre chose, on a commencé avec l’Espagne, il faut bien que ça se termine avec eux », dit Nando De Colo, réjoui qur ses aînés puissent solder les comptes avant de s’en aller. « Il ne faut même pas y penser, car ça peut nous faire basculer émotionnellement. Les émotions ne servent à rien », ordonne Vincent Collet.

Le sélectionneur français craint que les joueurs misent tout sur l’agressivité et oublient qu’ils ne battront l’Espagne qu’à condition d’être lucides et intelligents. « C’est un risque, de se laisser emporter. L’Argentine a eu un courage énorme, fait une défense tout terrain, mais continuait à aller tout droit dans le mur qu’est la défense espagnole. Il faut avoir de la lucidité pour leurrer, pour aller chercher les meilleures solutions, se donner des tirs propres. »

Lui-même devra éviter de se laisser emporter par son animosité envers Sergio Scariolo, qui se double d’une rivalité sportive puisque la France de Collet n’a jamais gagné contre l’Espagne de Scariolo.