Superbe action de Claude Onesta face au Brésil, en quarts de finale. | JAVIER SORIANO / AFP

Profitons-en, car dans six mois il ne sera plus là. Un quart d’heure de Claude Onesta en zone mixte d’un match de l’équipe de France, ça se savoure. Voici ce que le sélectionneur de l’équipe de France de handball avait à dire après la victoire de ses joueurs en quarts de finale contre le Brésil (34-27), et au surlendemain de l’« épisode Lavillenie », les sifflets du public carioca, et la réaction du Français.

La victoire face au Brésil a mis longtemps à se dessiner, mais c’est ce que vous aviez prévu ?

Il y avait toutes les chances que ce match se joue comme ça. Quand vous avez en face de vous une équipe jeune, talentueuse et euphorique, ce n’est pas une équipe qui va craquer dans le premier quart d’heure. On savait qu’elle allait nous accompagner longtemps, il ne fallait pas lui laisser prendre trop de confiance et d’avance, parce qu’après elle pouvait rester euphorique, et on aurait eu du mal.

Mais, à partir du moment où on arrivait à maintenir le contact, on imaginait que notre défense allait finir progressivement par l’user. Donc, plutôt qu’un effet immédiat, on est en mode rouleau compresseur, qui écrase petit à petit. Et quand il y a moins d’énergie, l’adversaire est moins virulent, on l’a vu à partir du moment où notre défense les a vraiment mis en crise. Et plus l’écart se fait, plus eux sont obligés de prendre des risques pour revenir, et à ce moment-là ils nous proposent de les châtier un peu plus, alors l’écart grandit. C’est presque une corrida, avec un taureau qui est mis à mort et déjà haletant.

Avec un jeune toréador d’à peine 35 ans, Daniel Narcisse (7 buts).

La jeunesse a plein d’avantages, mais être âgé, c’est aussi l’avantage d’avoir de la mémoire, d’avoir de l’analyse, d’être capable de relativiser. Daniel, dans ce registre-là, est plus que précieux, c’est un joueur exceptionnel. Les autres ont fait tout ce qu’il fallait pour affaiblir le taureau, et lui est plutôt précis dans la mise à mort. Je sens que je vais m’attirer des amis, là.

Le public brésilien a mis une chaude ambiance, on a vu d’autres sportifs français mal le vivre depuis le début des Jeux.

Ouais, écoutez, je crois que de temps en temps il faut garder de la mesure. Sur le fond, on pourra toujours disserter sur le fait qu’un spectateur devrait venir voir un spectacle et se contenter d’applaudir à la qualité du spectacle. Mais il suffit de voir d’autres joutes pour se rendre compte que le côté partisan n’appartient pas qu’aux Brésiliens.

Sur la finale du saut à la perche, mettez-vous à leur place, imaginez le Stade de France avec un jeune compétiteur du pays qui réalise un exploit merveilleux, et qui pourrait, au dernier essai, se faire battre par le champion. Si vous arrivez à me trouver quelques spectateurs français qui se taisent et qui applaudissent le champion… Mais je ne m’immisce pas dans les habitudes de l’athlétisme, ce n’est peut-être pas le cas, effectivement, et je conçois que ça peut perturber.

Mais nous qui avons l’habitude d’aller dans des endroits compliqués, je peux vous assurer que le public brésilien est bruyant, qu’il peut effectivement être très partisan, mais il ne paraît jamais très dangereux. Il y a des endroits dans le monde où on est allés gagner des matchs, je peux vous assurer qu’en même temps que vous jouez vous essayez de regarder ce qui risque de vous tomber sur la tête, voire comment votre famille et vos amis vont survivre dans la tribune. Ce n’est pas le cas ici, il ne faut pas faire une spécialité brésilienne de ce qui est parfois un excès d’enthousiasme.

Vous conseilleriez à Renaud Lavillenie de prendre plus de recul sur tout ça ?

Je me garderais bien de lui conseiller quoi que ce soit. D’abord, ce moment-là, c’est lui qui l’a vécu, et s’il a ressenti cette émotion, c’est qu’elle était chez lui légitime. Quand vous dominez une discipline comme il le fait, vous avez la sensation que le monde entier devrait vous apprécier puisque vous êtes celui qui fait rêver par la hauteur des performances, ce qui est un peu le cas de Bolt. Il y a peu de gens qui sifflent Bolt. C’est peut-être la sensation qui fait souffrir Renaud.

Maintenant, je crois que ce qu’il vit dans cette finale à la perche est un traumatisme majeur. Le public n’est qu’un élément supplémentaire. Il a l’impression de faire le concours parfait, et on lui sort un type de nulle part, qui n’est pas souvent avec lui dans les fins de compétition, donc il est évident qu’à ce moment-là, il prend un coup sur la tête, et tout l’environnement vient appuyer le coup sur la tête. Mais je crois que le vrai coup sur la tête, c’est quand même la performance du sportif brésilien, et la déstabilisation que ça génère. On a beau dominer une discipline, on n’en reste pas moins humain.

Après, la réaction à chaud… C’est pour ça qu’on ne veut pas vous parler à chaud ! Parce que les conneries, enfin, les paroles excessives qu’il prononce ont fini par se retourner contre lui, et il subit même le podium après. Les gens qui se sont sentis dans leur rôle mais agressés finissent par lui envoyer une deuxième salve. Malheureusement, s’ils vous sentent fragilisé par ça, ils vont redoubler d’ardeur, parce qu’ils sont venus voir gagner leur poulain, et pas assister à un spectacle sportif.

Un mot sur les Allemands, votre adversaire en demi-finale ?

Il va falloir qu’on les étudie, ça fait longtemps qu’on ne les a pas joués. C’est une équipe très jeune, avec beaucoup de qualité, il suffit d’avoir vu l’Euro pour le savoir [l’Allemagne a remporté le tournoi en Pologne à la surprise générale, en janvier dernier]. Mais on sait aussi que c’est une équipe qui a des fragilités. Il faudra les amener à cette fragilité, et peut-être, petit à petit, consommer et détruire la confiance qu’ils sont capables d’avoir. S’ils sont en crise, il va falloir qu’ils démontent qu’ils peuvent jouer avec autant de talent et d’efficacité.

Avez-vous l’incroyable quart de finale des filles contre l’Espagne hier ?

On n’a rien vu parce qu’on était en train de s’entraîner, et pendant les prolongations, on était dans le bus. On a croisé quelques joueuses au village le soir. Mais voilà, c’est la magie du sport, c’est la magie des Jeux olympiques, le tout c’est de ne pas le subir. Elles sont dans le truc merveilleux, c’est un beau moment pour elles, c’est une équipe qui avait besoin de confiance, mais à un moment donné, il faudra quand même analyser l’ensemble, analyser pourquoi on est à 7 buts de retard à la mi-temps, parce qu’on ne peut pas jouer sur ce registre à chaque fois. Je ne doute pas qu’Olivier [Krumbholz] sera capable de les ramener sur Terre.