Dimitri Bascou, médaillé de bronze au 110 m haies le 16 août aux JO de Rio. | OLIVIER MORIN / AFP

En l’espace de 13 secondes et 24 centièmes, Dimitri Bascou a effacé dix haies en même temps qu’une incongruité. Voilà quarante ans que la France attendait un nouveau podium olympique sur 110 m haies, depuis l’or de Guy Drut aux Jeux de Montréal, en 1976. Une disette à laquelle l’athlète de 29 ans a mis fin, mardi 16 août à Rio, en accrochant une troisième place derrière le Jamaïcain Omar McLeod (13 s 05) et l’Espagnol Orlando Ortega (13 s 17).

Son compatriote Pascal Martinot-Lagarde échoue juste derrière lui (13 s 29), au terme d’une course plutôt lente dans l’ensemble. Obligé de constater qu’il est désormais « abonné aux quatrièmes places », « PML », déjà au pied du podium des Mondiaux de Pékin, en 2015, tient à souligner le savoir-faire d’une « nation forte » sur les haies : « En finissant troisième et quatrième, on a mis 99 % des ­hurdleurs du monde entier derrière nous. » Dans cette géopolitique de la discipline, les Etats-Unis, historiquement dominateurs, ont sombré. Pour la première fois dans l’histoire des Jeux – en dehors de ceux de Moscou, en 1980, boycottés –, aucun Américain ne montera sur le podium du 110 m haies. A l’inverse, en l’absence du champion du monde, le Russe Sergey Shubenkov, pas invité à la fête olympique pour cause de dopage d’Etat, la France a démontré qu’elle faisait partie des places centrales.

Cela faisait quarante-huit ans qu’il n’y avait pas eu deux Français en finale olympique du 110 m haies. Et à Rio, « PML » et Bascou ont fait encore mieux que Marcel Durieux et Pierre Schoebel aux Jeux de Mexico, en 1968, respectivement septième et huitième. La récompense logique d’une génération riche en talents. En 2015, à Pékin, trois Français s’étaient hissés en finale, dont « PML » et Bascou, sans médaille à la clé. « A force de s’approcher des podiums, de gratter, d’avoir de la consistance dans la discipline au niveau international, ça finit un jour ou l’autre par sourire », résume Benjamin Crouzet, l’entraîneur de Pascal Martinot-Lagarde.

« Une certaine émulation »

Depuis le règne de Drut, argenté à Munich (1972) avant sa consécration quatre ans plus tard à Montréal, la France n’avait pourtant pas manqué de modèles sur la distance. Mais ni Stéphane Caristan ni Ladji Doucouré, pour ne citer que les deux plus connus, n’avaient su se mettre à l’heure des Jeux. Caristan a fini 6e à Los Angeles en 1984. Champion du monde en 2005, Doucouré a dû se contenter de la quatrième place à Pékin, en 2008.

Pour Giscard Samba, entraîneur de Dimitri Bascou, la situation n’avait que trop duré. « Bien sûr qu’il y a une spécificité des haies françaises, estime-t-il après être venu féliciter son athlète. C’est une discipline que le monde entier nous envie. L’école française a toujours fait des émules et a suscité du respect. Mais on a mis du temps. On avait des éléments qui marchaient bien – Caristan, Doucouré –, mais c’était à chaque fois l’arbre qui ­cachait la forêt. Et puis on a créé une certaine émulation. Quand il y en a beaucoup qui courent vite, il y en aura bien un, à un moment donné, qui courra plus vite que les autres et finira par chercher la médaille. »« Sans parler d’école, puisque chaque coureur a son style, nuance Benjamin Crouzet, il y a une tradition des haies en France. »

Le Jamaïcain Omar McLeod  remporte le titre olympique du 110 m haies, le 16 août à Rio. Dimitri Bascou (à gauche), termine troisième. | PEDRO UGARTE / AFP

Alors que le champion du monde juniors 2014, Wilhem ­Belocian, 21 ans, et éliminé en séries à Rio pour cause de faux départ, incarne déjà une relève convaincante, c’est donc Dimitri Bascou qui est venu faire fructifier la richesse de cette « tradition ». Dans une « course qui s’est jouée au mental », le natif de Schœlcher, en Martinique, savoure, lui qui avoue être « passé quatre-cinq fois à côté de championnats pour des petits détails, une haie tapée ou un mauvais départ ». Cette fois encore, sa course fut loin d’être parfaite, avec une faute au cinquième obstacle qui l’a ralenti, mais il a su ne pas perdre pied.

« C’est vrai qu’on a un très bon niveau en France et qu’on s’installe progressivement au niveau international, explique celui qui venait d’apporter à l’athlétisme tricolore sa deuxième récompense de la journée, après l’argent de la lanceuse du disque Mélina Robert-Michon. On a très envie nous aussi de ramener des médailles aux Français. On demandait simplement de la patience. » Déjà champion d’Europe d’Amsterdam en juillet, Dimitri Bascou conclut ainsi, de manière sonnante mais pas trébuchante, un bel été pour lui et les haies françaises.