Premier épisode de « La Rue des allocs », diffusé mercredi 17 août, à 21 heures, sur M6. | Capture écran YouTube

Ce soir, à 21 heures, M6 diffuse les deux premiers épisodes d’un docu-réalité, « La Rue des allocs », qui fait déjà polémique. Ce programme « est une immersion sans précédent dans le quotidien de personnes et de familles en situation de précarité », avance la chaîne.

Cette plongée au cœur de la pauvreté française se fait à Amiens, dans le quartier Saint-Leu, à deux pas de la cathédrale où le taux de chômage « avoisinerait », selon le programme, les 40 %, deux fois plus que le reste de la ville. Entre les canaux de la Somme, de charmantes petites maisons colorées qui, en réalité, sont des logements sociaux que les habitants ne veulent – surtout – pas quitter.

Pendant six mois, les caméras de M6 ont suivi le quotidien peu reluisant de Marie-Jo, de Gitan, de Franck, de David, qui attendent, chaque début de mois, le versement de leurs allocations pour (sur)vivre. Travail au noir, système D, certains doivent cumuler les jobs pour trouver de « l’oseille » en plus pour faire « plaisir aux enfants » ou « partir en vacances ».

Le résultat est mitigé : certes, il n’est pas aussi caricatural que la version britannique « Benefits Street » qui avait, lors de sa diffusion, en 2014, sur Channel 4, attiré les spectateurs (6,5 millions, meilleure audience de l’année pour la chaîne) et suscité de nombreuses polémiques.

Personnages peu charismatiques

« La Rue des allocs » pose cependant quelques questions. La narration est simple et crée un profond ennui. Certains des témoins ont du mal à s’exprimer, au point qu’à force de les écouter on pourrait parfois se croire dans un sketch des Inconnus. La voix off est permanente et parle plus que les personnages, très peu charismatiques et certains même antipathiques.

C’est le cas de Gitan, 26 ans, que l’on découvre dès les premières minutes du documentaire en train de revendre une camionnette non assurée, sans contrôle technique… et sans volant. Au moment des négociations, l’acheteur potentiel – un homme noir – lui propose 300 euros. « Ah non, pas trois bananes », lance Gitan en prenant l’accent africain. Fallait-il montrer cette séquence ? Etait-il décent de la conserver au montage ?

Capture écran YouTube

Il y a aussi David, un garçon de 42 ans, perdu, qui noie son spleen dans la bière. Condamné à plusieurs reprises, il raconte une anecdote : un jour, il a voulu voler la casquette d’un proche. Pour lui donner une leçon – et se venger –, ce proche l’a mis dans une voiture et jeté « dans le coin des pédés ». Là encore, pourquoi montrer une telle séquence ?

L’absence de choix, d’un point de vue du réalisateur, finit par donner le sentiment que la réalité se résume à une série de clichés. Pour autant, le malaise n’est pas toujours présent : on est aussi touché par Marie-Jo, 59 ans, qui n’hésite pas à aider les jeunes du quartier.

Pétition en ligne et communiqué

Avant même sa diffusion, M6 est sous les feux des critiques : voyeurisme, sensationnalisme. Dans un communiqué, la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars) a demandé au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) d’intervenir auprès de la direction de la chaîne M6 pour « suspendre la diffusion de ce programme stigmatisant et honteux face à la détresse sociale que vivent près de 8 millions de personnes pauvres en France ».

« Les clichés, préjugés et remarques stigmatisantes à l’égard des personnes en situation de pauvreté rendues systématiquement responsables de leur situation », estime l’association.

Entre alcool et désespoir, ce docu-réalité arrive – parfois – à montrer le dur quotidien des femmes et des hommes qui subissent la pauvreté mais tombe trop souvent dans le pathos et finit par rendre spectaculaire la misère sociale. Deux autres épisodes sont prévus mais aucune date de diffusion n’a été annoncée.

« La Rue des allocs », de Stéphane Munka (France, 2016, 4 × 63 minutes), sur M6, à 21 heures.