Donald Trump, lors d’un meeting, le 16 août, dans le Wisconsin. | Gerald Herbert / AP

Editorial Donald Trump n’a pas entièrement tort lorsqu’il estime faire l’objet d’une attention impitoyable de la part des principaux médias américains. C’est cependant le moins que l’on puisse ­attendre dans une démocratie à moins de cent jours d’une élection présidentielle. Il ne tient ensuite qu’au candidat répu­blicain de désarmer les critiques sur sa ­supposée inaptitude à la fonction présidentielle. Le magnat de l’immobilier en avait l’occasion, le 15 août, avec un discours qui devait lui permettre de préciser la façon dont il entend lutter contre le terrorisme qu’incarne aujourd’hui l’organisation Etat islamique (EI).

L’exercice ne s’est guère révélé concluant. Rivé à un texte lu grâce à des téléprom­pteurs qu’il tournait en dérision il y a peu, M. Trump s’est épargné les embardées récentes qui ont permis à son adversaire démocrate, Hillary Clinton, de le distancer dans les intentions de vote. Mais le fond n’a guère suivi la forme. Il prône une alliance internationale contre le terrorisme installé en Irak et en Syrie ? Elle existe déjà. Promet de couper les finances de l’organisation Etat islamique ? Personne ne l’a attendu pour s’y employer. Souhaite priver « immédiatement » les groupes djihadistes de leurs multiples fenêtres numériques ? La difficulté de la tâche n’échappe à aucun des pays ciblés par l’EI. Annonce un examen « extrême » des candidats à l’immigration, sous-entendu de confession musulmane  ? Les Etats-Unis sont comme d’autres ­confrontés aujourd’hui à un terrorisme principalement intérieur et le nombre limité de réfugiés syriens admis depuis deux ans (moins de 10 000 à ce jour) dit bien la sévérité des procédures déjà en place.

Privée des propositions incendiaires qui lui ont permis d’occuper le terrain pendant les primaires, que reste-t-il de la vision du monde de l’homme d’affaires de 70 ans ?

Privée des propositions incendiaires qui lui ont permis d’occuper le terrain pendant la bataille des primaires (les bombardements massifs et indiscriminés, la torture, l’interdiction temporaire d’accès des musulmans au territoire américain), que reste-t-il de la vision du monde de l’homme d’affaires de 70 ans ?

Tout d’abord la nostalgie des régimes ­dictatoriaux arabes, alors que les désordres libyens, syriens et irakiens sont précisément le produit de décennies de destruction des sociétés de ces pays. Le refus de la complexité ensuite, qui pousse M. Trump à envisager une coopération avec la Russie en Syrie tout en stigmatisant l’Iran, pourtant le principal allié de Moscou sur ce même terrain d’opérations. La conviction enfin qu’une Amérique forteresse permettra de garder à distance les « bad guys », tout comme elle protégera par ailleurs les Américains de la concurrence économique.

Avant que M. Trump ne prenne la parole, lundi, le vice-président, Joe Biden, en meeting aux côtés de Mme Clinton, avait assuré que le milliardaire ne voulait manifestement pas apprendre, un sentiment partagé par la cinquantaine d’experts républicains qui ont d’ores et déjà pris position en faveur de la démocrate. Dans une de ses rares digressions, M. Trump lui a donné raison, lundi, lorsqu’il a répété une conviction embarrassante. Lorsqu’ils occupaient l’Irak, assure le magnat de l’immobilier, les Etats-Unis auraient dû prendre le contrôle des puits de pétrole du pays et se payer sur la bête. Il a ajouté l’avoir d’autant plus regretté que l’EI avait par la suite tiré des profits considérables de la contrebande du pétrole. Un fait avéré, mais, malheureusement pour la démonstration de M. Trump, à partir de puits syriens et non irakiens. ­Décidément, on ne se refait pas !