Le coût de la rentrée scolaire, établi pour la 32année consécutive par l’association Familles de France, profite cette fois-ci de la guerre des prix à laquelle se livrent les grandes surfaces depuis plusieurs années.

Annoncé mercredi 17 août, le chiffre du coût de la rentrée scolaire pour un élève entrant en sixième en 2016 a enregistré pour la première fois une légère baisse, de 0,1 %, par rapport à l’année précédente, à 190,24 euros. Cette enveloppe stagne depuis deux ans – en 2015, la hausse était à peine de 0,70 %. Elle cache toutefois, selon Familles de France, de fortes disparités. Là où les prix des vêtements et de la papeterie sont en hausse de 3,7 % et 2,5 %, les fournitures non papetières baissent, elles, de 2,9 %.

L’institut GFK a constaté en juillet une érosion des prix de 2 %, avec une baisse particulièrement marquée sur les instruments d’écriture et de correction. « Les prix avaient déjà baissé de 2,1 % en papeterie lors de la rentrée 2015 », souligne Christophe Le Boulicaut, directeur général de Stabilo France et président de l’Association des industriels de la papeterie et du bureau, qui rassemble 42 entreprises du secteur.

Pour cette rentrée scolaire, les ventes ont débuté timidement, selon GFK, avec un recul de chiffre d’affaires de 12,5 % sur le rayon papeterie, à 108 millions d’euros, et une baisse des actes d’achat de 15,2 %, à 42 millions, dans les hypermarchés et supermarchés au mois de juillet. Pour Antoine Gachet, directeur des marchés de la papeterie de GFK, « cette tendance est très probablement liée à un retard d’implantation des fournitures de rentrée des classes, la distribution ayant maintenu les rayons jardin et textile plus longuement » pour écouler les stocks, abondants en raison de la météo. L’institut s’attend à une concentration des achats entre le jeudi 18 août, date du versement de l’allocation de rentrée scolaire, et le jour de la rentrée, le jeudi 1er septembre.

La manne des produits sous licence

Mais, cette année, le budget des familles consacré à la rentrée scolaire pourrait particulièrement déraper avec les produits sous licence, généralement plus chers. Comme le marché du jouet, les articles à l’effigie de personnages de film, de dessin animé (Star Wars, La Reine des neiges…) ou des équipes de football avec l’Euro ont envahi l’offre. Et, à l’instar du jouet, les fabricants d’articles scolaires réalisent la majeure partie de leur activité sur une période très courte. « La rentrée des classes c’est 35 % à 40 % de notre chiffre d’affaires de l’année et près d’un tiers des produits vendus à la rentrée est sous licence, ce qui représente environ 10 % du chiffre d’affaires annuel, constate Frederic Cical, directeur commercial du spécialiste français des agendas Quo Vadis. Il y a vingt ans, nous étions quasiment absents du marché de la licence. Mais nous nous sommes rendu compte que 75 % du marché des agendas scolaires est réalisé par des produits de ce type. » En trois ans, la marque a multiplié par cinq ses ventes de produits siglés Paris Saint-Germain.

La PME familiale et française Viquel, spécialisée dans les produits de classement, a, elle, obtenu le droit d’utiliser la marque Coca-Cola il y a deux ans. « Les ventes de produits estampillés Coca-Cola ont été dix fois plus élevées que celles des autres licences que nous avons eues par le passé », constatent Gérard Viquel et Vanessa Viquel-Delangre, respectivement président et directrice générale exécutive de la société.

Encore faut-il pour les industriels avoir les moyens de s’offrir les labels à la mode. « Le coût d’une licence correspond à 10 % à 15 % du chiffre d’affaires des produits », indique M. Cical. Et il y a souvent des volumes d’affaires minimaux à réaliser pour couvrir les redevances versées aux marques. « Nous n’avons pas cherché à utiliser La Reine des neiges, de Disney, car cela nécessite de pouvoir assurer de gros volumes et nous avons fait le choix de ne pas être distribués en hypermarchés et supermarchés », poursuit-il. Les grandes surfaces réalisent près de 70 % des ventes du marché de la rentrée scolaire, contre 30 % pour les réseaux spécialisés. « Mais le fait de ne pas être en hypermarché permet de faire durer une licence, souligne M. Cical. Car souvent les enseignes ont tendance à s’en emparer et à faire réaliser des produits similaires. »

Un thème « papillons » imaginé il y a trois ans [inspiré] du textile et d’une publicité pour un parfum de Kenzo

La parade ? De nombreux industriels l’ont trouvée en proposant dans leurs gammes des produits à thèmes qui ressemblent à des licences sans en être. Chez Quo Vadis, une équipe de douze personnes travaille à la conception de nouveaux thèmes d’articles « fantaisie ». Ils s’inspirent de Salons de décoration comme Maison & Objet, des réseaux sociaux ou encore, comme ce fut le cas pour un thème « papillons » imaginé il y a trois ans, du textile et d’une publicité pour un parfum de Kenzo. Sur la trentaine de gammes fantaisie produites par cette marque d’agendas, deux tiers sont des licences et un tiers des thèmes. « Dans cette catégorie, ma quatrième meilleure vente est l’Union Jack, et je ne reverse rien à la reine d’Angleterre », sourit M. Cical.

L’innovation indispensable

Sur le marché des articles de bureau et de la rentrée scolaire, l’innovation est également indispensable pour rester dans les rayonnages des grandes surfaces. Viquel, qui réalise 50 % de son chiffre d’affaires français avec la grande distribution, consacre 8 % de son chiffre d’affaires total à la recherche et au développement. « C’est ce qui va nous différencier de nos concurrents, précise le président. Compte tenu de notre taille, nous sommes obligés de proposer des nouveautés. »

Hormis la créativité qui permet de coller aux phénomènes de mode, les fabricants réfléchissent aussi à l’arrivée du numérique dans les articles scolaires. « Nous travaillons dessus », indique M. Le Boulicaut, chez Stabilo. Même si, selon lui, la disparition de l’écrit n’est pas pour tout de suite. « Il y a quelques années, avec l’émergence de l’ordinateur, on avait annoncé la fin du papier, poursuit-il. Aujourd’hui, l’offre de papeterie est un marché qui se porte bien malgré un contexte déflationniste. Certes, il y a des tablettes, mais l’écriture reste une étape indispensable au développement de l’enfant. »

La marque française de cahiers Oxford a annoncé, de son côté, le lancement pour la rentrée de son premier agenda scolaire « connecté », associé à une application mobile qui permet de numériser les pages de l’agenda et de les sauvegarder sur un smartphone ou un ordinateur.

La rentrée en chiffres

600 millions d’euros

C’est le chiffre d’affaires réalisé en 2015 au moment de la rentrée par les industriels de l’Association des industriels de la papeterie et du bureau (AIPB), qui représente 80 % des acteurs du marché.

472 millions

C’est le nombre d’articles vendus dans les grandes surfaces sur le marché de l’écriture pour la rentrée de 2015, selon l’AIPB. Ce chiffre est en hausse de 2,6 % par rapport à 2014, pour un chiffre d’affaires de 136 millions d’euros (+4,1 %). 8 millions d’agendas avaient été vendus.

2,8 millions

C’est le nombre de familles qui devraient percevoir l’allocation de rentrée scolaire. Elle s’élève à 363 euros pour les enfants de 6 à 10 ans, 383,03 euros pour les 11-14 ans et 396,29 euros pour les 15-18 ans et sera versée à partir du 18 août.