Les auteurs de l’étude ont noté que, plus dans pratiquement aucun autre pays, la réussite scolaire des élèves en France était liée à leur origine sociale. Ici à Cherbourg-Octeville (Manche), en janvier. | CHARLY TRIBALLEAU / AFP

En matière de gouvernance durable, ce sont les pays scandinaves, la Suisse et l’Allemagne, qui remportent les premières places du classement annuel de la Fondation Bertelsmann. L’indice, publié jeudi 18 août, analyse les performances de 41 pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Union européenne (UE) à partir de 136 indicateurs quantitatifs et qualitatifs. La France, elle, se classe seulement à la 18place, derrière le Canada, et en recul de deux places en deux ans. Le pays est pénalisé par « ses difficultés à mener à bien des réformes », estiment les auteurs de l’étude, qui saluent cependant des avancées.

« La France, en dépit de ses nombreux atouts, souffre du fossé qui sépare les programmes électoraux et la possibilité – ou non – de les mettre en pratique. En promettant des lendemains qui chantent, et en appliquant des mesures peu réjouissantes, ils engendrent de la frustration, » explique Yves Mény, politologue français, président de l’école supérieure Sainte-Anne de Pise et coauteur de l’étude.

Conséquence : la France peine à mettre en place des réformes urgentes. Elle n’occupe que la 30place en termes de capacité de gouvernance et de réforme du système politique et voit sa position se dégrader dans les domaines du marché du travail (34place), du budget (38place), de la politique fiscale (37place) et des questions relatives à l’équité dans l’éducation (27e place). Les auteurs notent que, dans pratiquement aucun des autres pays étudiés, l’appartenance sociale d’un enfant détermine autant sa future réussite scolaire, ce qui pose des problèmes sur le plan de l’intégration, où la France occupe seulement la 28place.

Des réformes dans le bon sens

Les auteurs pointent du doigt les échecs des gouvernements sur le plan de la politique économique et sociale, notamment l’absence de vision de long terme.

« On regrette la propension des gouvernements français à faire de la microéconomie plutôt que de la macroéconomie. Dans un contexte où l’Etat possède de moins en moins d’outils d’intervention dans ce domaine, la meilleure stratégie est de créer les conditions macroéconomiques favorables : une politique fiscale modérée, stable et favorable aux entreprises, et une politique de prélèvements sociaux qui ne pénalise pas trop le travail », analyse M. Mény.

L’étude relève cependant que les réformes amorcées depuis 2013 vont dans la bonne direction et devraient générer des effets positifs sur la croissance à moyen terme, comme l’avaient déjà souligné des rapports de l’OCDE. En matière de politique économique, ce sont la Suède et la Suisse qui occupent les deux premières places du classement.

La France gagne en revanche des points en matière de recherche et développement, où elle se classe 12e, profitant d’un niveau d’investissements publics comparable au niveau des pays les plus performants, même si le niveau des investissements privés reste insuffisant. Elle se situe par ailleurs au deuxième rang du classement en matière de politique familiale, permettant notamment un niveau d’activité des femmes comparable à celui des pays scandinaves.

Pas « d’abus flagrants » dans l’application de l’état d’urgence

L’Hexagone se classe également dans les dix premiers dans des domaines comme l’organisation de la démocratie, les libertés et l’Etat de droit, même si l’essentiel de l’étude a été fait avant l’adoption de l’état d’urgence en novembre 2015. « Il faut reconnaître que malgré cette situation exceptionnelle, l’Etat de droit n’a pas été trop écorné. On ne peut pas dire que l’application de l’état d’urgence ait donné lieu à des abus flagrants », relève Yves Mény. Celui-ci salue également la progression de la France en matière environnementale, dans le sillage de l’organisation de la COP21 fin 2015.

L’ensemble des données du classement est consultable sur un site Internet, permettant de faire des recherches critère par critère ou pays par pays. « Contrairement à d’autres classements comme celui de Shanghaï pour les universités, très contesté, celui de la Fondation Bertelsmann s’appuie sur un grand nombre de variables, ce qui permet d’obtenir des résultats prudents et harmonisés », conclut M. Mény.