De gauche à droite : Philippe Rozier, Roger-Yves Bost, Pénélope Leprevost and Kevin Staut, champions olympiques du saut d’obstacles par équipes. | PHILIPPE LOPEZ / AFP

L’entrée ressemble à celle d’une quelconque boîte de nuit. Vigile en costume et lumières criardes. Dos au lagon et aux files continues de voitures, devant le portique de sécurité patientent des convives plus ou moins apprêtés. La Sociedade Hipica Brasileira a l’habitude des mondanités. Ses toits en tuile abritent les locaux de l’un des plus vieux centres équestres de Rio.

Voilà qui tombe plutôt bien. Le « Club France » a investi ce coin sélect pour les Jeux olympiques. Et les cavaliers continuent donc d’y défiler, au soir du mercredi 17 août, pour fêter leurs succès. Drôlement utile pour égayer des journées parfois mornes. Avec le judo, l’équitation est pour l’instant le sport qui a rapporté le plus de médailles d’or (2) sur les huit titres de la délégation française.

La Marseillaise la plus récente date de l’après-midi. Titre tout frais, ou plutôt tout brûlant. Sous un soleil martial, au complexe militaire de Deodoro, les quatre cavaliers français ont remporté le concours du saut d’obstacles par équipes pour la première fois depuis les Jeux de 1976.

Rediffusion du concours, crépitements d’appareils photos et confettis tricolores. Dans le grand manège de la Sociedade Hipica, Kevin Staut, Pénélope Leprevost, Philippe Rozier et Roger-Yves Bost ont droit à leur quart d’heure olympien. Mais entre-temps, devant leurs proches ou les visiteurs de passage, une petite pause : « on bascule sur le direct », demande le chauffeur de salle, pour regarder sur écran géant la demi-finale féminine du 100 m haies.

La Française Sandra Gomis ayant fini avant-dernière de cette course, on en revient vite aux cavaliers. « L’équitation a peut-être remplacé avantageusement d’autres disciplines, estimait plus tôt Philippe Guerdat, l’entraîneur du saut d’obstacles. En natation, les gens attendaient beaucoup plus de médailles [les nageurs français en auront deux d’argent]. De nous, ils en attendaient moins et nous avons fait carton plein. »

« Sur le toit du monde »

Sur l’estrade, Denis Masseglia va jusqu’à dire de l’équitation française qu’elle se trouve « sur le toit du monde ». Le président du comité olympique français oblitère peut-être les six médailles allemandes. Mais en ces temps de déconvenues, on comprend son bonheur devant les deux médailles d’or des cavaliers français, dont le tout premier titre du pays, mardi 9 août, au concours complet par équipes avait précédé l’argent en individuel d’Astier Nicolas.

Elle aussi, Sophie Dubourg, a le sourire. « Fière pour notre fédération, fière pour notre pays, fière pour notre sport », la directrice technique nationale de la fédération d’équitation observe ses quatre vedettes du soir enchaîner les plateaux télé et radio, juste à côté de la tour Eiffel miniature et du stand de crêpes. Sollicitations soudaines, mais joie mesurée : « Je ne peux pas me réjouir du fait que l’on est mis en avant, effectivement, parce qu’il n’y a peut-être pas assez d’autres bons résultats en parallèle. Ici, il y a un vrai esprit France, on croise les joies et les déboires des autres. »

Les cavaliers sont bien placés, bien logés pour le savoir. A l’inverse des Jeux 2012 de Londres, où ils vivaient près de leur lieu de concours, ils ont cette fois pris leurs quartiers au village olympique. Dans l’immeuble de tous les sportifs français. Médaillé d’or à Rio comme son père Marcel à Montréal, il y a quarante ans, Philippe Rozier « [voit] dans les yeux de chacun ceux qui sortent d’une compétition gagnée ou d’une compétition perdue. » Encore faut-il les reconnaître. « Souvent, quand on croise quelqu’un dans l’ascenseur, Pénélope [Leprevost] me demande : qui c’est ? qui c’est ? », s’amuse Kevin Staut, 35 ans, le plus jeune du quatuor.

Le cavalier, allure de gendre idéal, est à la fois son coéquipier et son compagnon. « En France, les sports collectifs ont de l’importance, et je pense qu’on arrive à prouver que l’équitation en est un. » Un sport où chaque cavalier attend son tour, et où hommes et femmes peuvent donc participer aux mêmes épreuves.

« Il y a plein de manières pour amener un cheval de 500 kilos à sauter des obstacles, considère Pénélope Leprevost, ça peut aussi passer par la communication plutôt que par le rapport de force. » Dernière démonstration prévue vendredi 19 août avec le concours individuel du saut d’obstacles. Et dernière soirée au « Club France » ?