John Kerry et son homologue iranien   Javad Zarif after à Vienne le 16 janvier 2016. | KEVIN LAMARQUE / AFP

L’affaire des 400 millions de dollars versés par les Etats-Unis à l’Iran en janvier, au lendemain de la libération de cinq otages américains, continue de faire parler outre-Atlantique. Le département d’Etat a reconnu, jeudi 18 août, avoir attendu que Théréan honore sa parole concernant ses ressortissants pour faire acheminer presque simultanément cette somme en liquide. Comme le fait valoir le porte-parole de la diplomatie, John Kirby :

« Pour être honnête, en raison de la méfiance entre l’Iran et les Etats-Unis, nous avons bien entendu cherché à garder le maximum de levier, d’avantage jusqu’à ce que les Américains soient libérés. »

Si pour la première fois l’administration Obama reconnaît que les deux événements sont liés, ses membres insistent toutefois sur le fait qu’il ne s’agit pas du paiement d’une rançon.

Contrat d’armement jamais honoré

Le 16 janvier, l’Iran et six grandes puissances – Etats-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni et Allemagne – mettaient en œuvre à Vienne leur accord historique sur le nucléaire iranien scellé le 14 juillet 2015.

Ce même jour, Washington et Téhéran annonçaient un échange inédit de prisonniers : quatre Irano-Américains et un Américain, dont le correspondant du Washington Post Jason Rezaian, libérés par la République islamique contre la « clémence » des Etats-Unis accordée à sept Iraniens détenus.

Le lendemain, le président Obama rendait public un remboursement par Washington à Téhéran de 1,7 milliard de dollars représentant un contrat d’armement jamais honoré, datant d’avant la Révolution islamique de 1979 et la rupture des relations diplomatiques en 1980. Ce remboursement, fruit d’un règlement du Tribunal arbitral de La Haye créé pour ce différend, se ventilait en 400 millions de dollars de dette et 1,3 milliard de dollars d’intérêts.

Billets d’euros et de francs suisses

A la suite de révélations du Wall Street Journal, début août, Washington avait reconnu avoir versé l’équivalent de 400 millions de dollars en liquide, en billets d’euros et de francs suisses stockés sur des palettes et chargées dans un avion de fret.

Le 4 août, le président Obama avait expliqué :

« La raison pour laquelle nous avons dû donner du liquide, c’est précisément parce que nous sommes tellement stricts dans l’application des sanctions, et que nous n’avons pas de relations bancaires avec l’Iran, que nous ne pouvions pas leur envoyer un chèque, et que nous ne pouvions pas leur faire un virement. »

Le chef de l’Etat avait alors réaffirmé qu’il ne s’agissait pas d’une rançon.

Alors qu’au début du mois, le département d’Etat avait affirmé que l’affaire du Tribunal arbitral et celle des prisonniers étaient « complètement distinctes », jeudi, M. Kirby a reconnu que les deux étaient « liées ».

« Les événements se sont déroulés simultanément (…) Quand vous vous inquiétez de la fin de partie, comment les Américains vont s’en sortir, il aurait été stupide, imprudent, irresponsable de ne pas tenter de garder le maximum de levier (…) Alors, si vous me demandez s’il y a, à cet égard, un lien, je ne peux pas le nier »

« La définition même d’une rançon »

Cet aveu de l’administration démocrate a une nouvelle fois fait bondir les républicains qui ont bataillé contre l’accord sur le nucléaire et contre tout dégel entre les Etats-Unis et l’Iran. Donald Trump a ainsi attaqué frontalement Barack Obama sur le sujet lors d’un meeting jeudi soir.

« En parlant de mensonges, on sait à présent après cette annonce du département d’Etat que le Président Obama a menti à propos des 400 millions de dollars en liquide qu’ils ont envoyés en Iran. Il a dit que ce n’était pas pour les otages, mais c’était bien le cas. Il a dit qu’on ne payait pas de rançons, mais il l’a fait. Il a menti à propos des otages, ouvertement et de manière flagrante. »

La campagne du magnat de l’immobilier s’en est pris à sa rivale démocrate Hillary Clinton. « Le département d’Etat a admis aujourd’hui que 400 millions de dollars de rançon ont été payés pour libérer des otages américains en Iran, cela renforce un peu plus le rôle de Hillary Clinton dans la conception de politiques catastrophiques », s’est insurgé un porte-parole.

Pour Mark Dubowitz aussi, patron du centre d’influence Foundation for Defense of Democracies, « le département d’Etat affirme que le paiement à l’Iran de 400 millions de dollars en liquide a été retenu jusqu’à ce que les prisonniers américains soient libérés. Mais c’est la définition même d’une rançon ».