Acheter un sac à main d’une griffe de luxe française avec son smartphone ? C’est désormais possible en Chine. Début août, Christian Dior est devenu la première marque de luxe à avoir vendu des sacs haut de gamme sur WeChat, un réseau social qui revendique avoir plus de 760 millions d’utilisateurs. Lancée par le groupe Tencent en 2011, l’application a su se rendre indispensable à tout possesseur de smartphone en Chine. Elle propose un savant mélange de Facebook, Twitter, Messenger et Paypal, et utilise massivement le système des « QR code » (un équivalent numérique des codes-barres). WeChat fonctionne comme un écosystème à part entière où les internautes peuvent, sans sortir de l’application, discuter, recommander des articles ou payer… aussi bien des factures d’électricité que des courses au supermarché et leur taxi.

Après avoir ouvert sa boutique sur WeChat le 1er août, Dior a mis en ligne un sac à main en édition limitée, le Lady Dior Small China Valentine, sur son compte. Objectif : profiter de la Saint-Valentin chinoise, mardi 9 août, pour déclencher des ventes. Le modèle a été pris d’assaut et les stocks épuisés en une journée, malgré un prix conséquent de 28 000 yuans (3 784 euros). L’opération de communication est également réussie : d’après l’agence digitale Curiosity, qui n’a pas participé à cette campagne, des articles au sujet de Dior ont été lus 600 000 fois sur WeChat le jour du lancement de la campagne.

Un secteur lontemps rétif au e-commerce

Une telle initiative peut paraître étonnante quand on connaît la réticence qu’ont eue pendant longtemps les groupes de luxe à utiliser Internet comme canal de vente afin de conserver le contrôle de leur distribution et préserver une expérience d’achat unique. Mais les temps changent. 92,5 % des quelque 710 millions d’internautes chinois accèdent au Web via leur smartphone, selon les données des autorités. L’attrait pour une clientèle jeune dans un pays où 10 % du commerce a été réalisé en ligne en 2015, et l’engouement de la population pour WeChat, conduisent ainsi aujourd’hui bon nombre d’experts en marketing à recommander aux marques cette application comme outil de communication sur ce marché.

En 2014, Burberry avait déjà brisé un tabou en ouvrant une boutique sur le site d’e-commerce Tmall

En 2014, Burberry avait déjà brisé un tabou en ouvrant un magasin en ligne sur Tmall, un site d’e-commerce d’Alibaba, le groupe chinois souvent critiqué par les marques pour faciliter la vente d’imitations. Beaucoup d’autres avaient suivi.

Plusieurs prestigieuses maisons françaises se sont penchées sur WeChat ces dernières années. Louis Vuitton s’en sert pour renseigner les clients qui auraient des questions sur ses sacs. Cartier permet aux utilisateurs du réseau de trouver un magasin, de réserver des produits et de noter l’expérience qu’ils ont eue en boutique. De son côté, Hugo Boss, qui met en ligne les vidéos de ses défilés pour inspirer ses clients, a également ouvert une boutique sur WeChat. La marque redirige ensuite les acheteurs vers son site marchand – augmentant ainsi son trafic. L’allemand Montblanc a quant à lui utilisé l’application comme levier de communication ludique, en encourageant les utilisateurs à envoyer des photos montrant leur élégance et leur sophistication.

A mi-parcours de la « décennie du changement »

Selon un rapport du cabinet Deloitte publié en juin, le secteur des produits de luxe dans le monde est désormais à mi-parcours de la « décennie du changement ». Après avoir connu « la montée en puissance des consommateurs chinois et l’explosion des usages numériques », les marques auront à affronter divers facteurs qui pourraient être « source d’opportunités pour le secteur : évolution des comportements d’achats, fusion des canaux de distribution et complexification des modèles économiques, accroissement des déplacements à l’international, poids accru des consommateurs de la génération Y [née entre 1980 et 1995]… »

Un changement de régulation pourrait même permettre aux Chinois d’acheter du Dior depuis les airs. Les autorités envisagent en effet de modifier les restrictions d’utilisation des téléphones portables à bord des avions en Chine et d’autoriser le Wi-Fi d’ici à la fin de cette année ou début 2017, d’après un haut responsable de l’aviation civile chinoise cité par l’agence Bloomberg lundi 15 août.