Arnaud Montebourg lors de son discours à « la fête de la Rose », le 21 août 2016 à Frangy-en-Bresse. | PHILIPPE DESMAZES / AFP

Arnaud Montebourg s’est lancé dans la campagne présidentielle dimanche 21 août à Frangy-en-Bresse (Saône-et-Loire). Dans son discours, l’ex-ministre a sévèrement critiqué le bilan de François Hollande, dressant un tableau noir de l’économie française, et a formulé ses propositions pour redresser le pays. Au prix de quelques errements.

Sur les faillites d’entreprise

CE QU’A DIT ARNAUD MONTEBOURG

« En France, la désindustrialisation et les fermetures d’usine se poursuivent chaque jour. Ce sont ces toutes petites et moyennes entreprises qui meurent par dizaines de milliers en silence sur notre territoire pour atteindre encore aujourd’hui le même niveau de faillites qu’en 2008, au plus fort de la crise. »

POURQUOI C’EST UN PEU EXAGÉRÉ

Le nombre de faillites en France était de 58 866 en mai 2012, lorsque François Hollande est entré en fonction. Il a depuis grimpé jusqu’en avril 2015, où il a retrouvé son niveau de 2009, avant de repartir légèrement à la baisse. Sur le mois de juin 2016, on comptait encore 61 000 faillites, selon la Banque de France. Cela reste élevé, plus que durant l’année 2008, mais pas tout à fait aux pires niveaux enregistrés pendant la crise, où l’on en comptait environ 63 350 par mois.

Les faillites d'entreprises restent à un niveau élevé en France

Sur le plein-emploi

CE QU’IL A DIT

« Comme beaucoup de nations industrielles du monde, la France peut-elle atteindre le plein-emploi ? Les Américains y sont parvenus, les Allemands y sont parvenus, les Danois y sont presque parvenus, les Anglais y sont presque parvenus. Pourquoi pas nous ? »

C’EST VRAI, MAIS…

Par « plein-emploi », on entend généralement un taux de chômage de 5 % de la population active ou moins. L’Allemagne (4,6 % en 2015), les Etats-Unis (5,3 %), le Royaume-Uni (5,3 %) et le Danemark (6,2 %) ont effectivement atteint ce niveau d’emploi ou presque en 2015, selon l’OCDE. La France, en revanche, ne peut pas en dire autant (9,9 % de chômage dans le pays entier au deuxième trimestre 2016 selon l’Insee).

Il est cependant surprenant de voir Arnaud Montebourg employer cet argument. Pour arriver à ce niveau de plein-emploi vanté par le candidat déclaré à la présidentielle, les pays cités ont en effet mis en place une politique de l’emploi radicalement différente de celle de la France, où les salariés doivent se montrer plus flexibles. Un bon taux de chômage peut donc aussi cacher quelques ombres au tableau.

Or, c’était précisément ce que critiquait le socialiste en 2012, quand il déclarait qu’« il n’y a pas de modèle allemand, il y a un antimodèle allemand » et qu’il critiquait les « minijobs » payés 400 euros par mois outre-Rhin.

Sur les PME et le chômage

CE QU’IL A DIT

« Les PME ? Elles sont plus de 3 millions et demi de moins de 10 salariés. Il suffirait d’une seule embauche dans chacune d’entre elles pour régler l’essentiel du problème du chômage. Pas deux, juste une seule ! »

POURQUOI C’EST TROP FACILE

On comptait environ 3,53 millions de chômeurs sans activité (catégorie A) en juin 2016 en France, selon le Pôle Emploi. Un chiffre que l’ex-ministre du redressement productif met en perspective avec les 3,55 millions de petites et moyennes entreprises en France en 2012, selon l’Insee. Le calcul qui revient à considérer que si chacune de ces entreprises embauchait un salarié, le problème du chômage serait réglé, est donc juste.

Reste que la situation est moins simple que la présentation qui en est faite par Arnaud Montebourg. Les PME en France sont à une écrasante majorité des microentreprises. Ces 3,37 millions de sociétés regroupent des situations « très hétérogènes », selon l’Insee : on y trouve des start-up, des artisans, de sociétés civiles immobilières, des microentrepreneurs… Parmi elles, 2,1 millions emploient 1 à 9 salariés, dont environ 60 % n’emploient pas de salarié (soit environ 1,3 million d’entreprises). Dans ce dernier ensemble, plus de la moitié ne dégage pas de quoi rémunérer le chef d’entreprise au niveau du smic et « un quart ne dégage même quasiment aucun revenu avec une valeur ajoutée sur l’année inférieure ou égale à 2 000 euros ». Toutes n’ont donc pas vocation à embaucher.

D’une manière générale, les 3,55 millions de PME représentaient environ 7 millions de salariés en 2012. Imaginer que chacune embaucherait en moyenne un salarié supplémentaire reviendrait à augmenter leur personnel de 50 %, ce qui paraît tout de suite moins simple à réaliser.

Sur les crédits aux entreprises

CE QU’IL A DIT

« Nos grandes banques privées obtiennent du crédit à distribuer par centaines de milliards en provenance de la banque centrale européenne mais elles ne les utilisent pas. »

POURQUOI C’EST EXAGÉRÉ

Nos banques gardent-elles les centaines de milliards d’euros de crédits qu’elles obtiennent de la BCE à des taux avantageux ? Ce n’est pas ce qu’indiquent ni l’état du marché du crédit, en pleine reprise, ni les enquêtes publiées trimestriellement par la Banque de France concernant l’accès au crédit des PME.

Si les conditions de l’accès au crédit se sont durcies après la crise financière, les banques demandant plus de garanties aux entrepreneurs, les taux d’accès au crédit restent élevés. Au second trimestre 2016, 84 % des PME obtiennent les crédits de trésorerie demandés et 94 % obtiennent les crédits d’investissement qu’elles demandent.

S’agissant des microentreprises, les taux sont plus faibles : 64 % des TPE qui en font la demande reçoivent des crédits de trésorerie et 79 % voient leurs demandes de crédit d’investissement acceptées.

Sur le financement des PME et TPE

CE QU’IL A DIT 

« Aujourd’hui, la Banque publique d’investissement ne le fait [garantir les prêts des PME] que de façon homéopathique et au compte-gouttes. »

POURQUOI C’EST PLUS COMPLIQUÉ

S’il est clair que le projet d’Arnaud Montebourg prévoit d’augmenter les aides aux PME et aux TPE, il ne dit pas dans quelle mesure ces aides devraient être augmentées. Parce que des aides aux PME existent déjà. La Banque publique d’investissement (ou BPI France) – qui n’est d’ailleurs pas une banque mais un établissement financier – garantit déjà des prêts bancaires aux PME à hauteur de 40 % minimum (garantie qui peut grimper à 70 % lors que des partenaires régionaux sont mobilisés). En 2015, ces prêts garantis ont atteint la somme de 8 milliards d’euros et ont bénéficié à 60 000 PME et TPE. Cela représente 3,3 % des 239 milliards d’euros d’emprunts contractés par des entreprises françaises de toutes tailles en 2015 et 13,6 % de ceux contractés par les microentreprises (sachant que la BPI ne soutient que les PME, dont des microentreprises). Il est donc exagéré de parler de traitement « homéopathique » par la BPI.

Il faut par ailleurs souligner que le taux d’accès aux crédits des entreprises est, comme on l’a vu plus haut, plus élevé aujourd’hui qu’au lendemain de la crise financière de 2008. Si celle-ci a incité les banques à moins prêter, les encours des crédits contractés par de petites entreprises connaissent une croissance non négligeable depuis trois ans. Arnaud Montebourg exagère donc sur les difficultés de financement des PME françaises.

Sur la formation professionnelle

CE QU’IL A DIT

« Sait-on également que seuls 2 % de l’argent de la formation professionnelle bénéficient aux chômeurs ? »

POURQUOI C’EST BEAUCOUP PLUS (14 %)

La dépense nationale pour la formation professionnelle est une manne considérable, évaluée à 32 milliards d’euros en 2012 (soit plus de 1,5 % du PIB), selon les chiffres du ministère du travail. Les entreprises financent une large part de la formation professionnelle (43 %), devant l’Etat (14 %), les régions (14 %), les administrations publiques (6 %) et les ménages (4 %) – les 19 % restants sont payés par la fonction publique pour ses propres agents.

L’utilisation de ces milliards suscite régulièrement de nombreuses critiques concernant à la fois l’opacité du système et la pertinence des investissements. Mais, contrairement à ce que dit Arnaud Montebourg, les chômeurs en touchent beaucoup plus que 2 %. Toujours selon le ministère, les demandeurs d’emploi bénéficiaient de 14 % du total en 2012, et les jeunes de 24 %. Les actifs du secteur privé (42 %) et du public (19 %) en recevaient néanmoins la majorité.

L’ex-ministre s’est probablement arrêté à la répartition des fonds collectés par les entreprises, utilisés majoritairement pour financer la formation de leurs salariés (81 %) au détriment des demandeurs d’emploi (3 %). Mais le chiffre d’ensemble est beaucoup plus élevé, car l’Etat et les régions, notamment, allouent une plus grande partie de ces fonds aux chômeurs.