Projet d’aménagement des voies sur berge. | LUXIGON

Anne Hidalgo ne faiblira pas. Plus que jamais décidée à faire de la capitale une ville durable et respirable, la maire de Paris veut aller jusqu’au bout de son projet de piétonnisation des voies sur berge rive droite, passant outre l’avis défavorable – consultatif – rendu par la commission d’enquête publique. « Les motivations invoquées par la commission d’enquête résonnent comme un déni complet de l’urgence climatique, pourtant actée à Paris par tous les Etats du monde il y a moins d’un an. Elles ne tiennent pas non plus compte des motifs environnementaux, sanitaires, urbains et culturels qui sont pourtant à l’origine de ce projet de piétonnisation », a-t-elle fermement indiqué dans un communiqué publié lundi 22 août.

Dans son rapport, transmis à la Ville le 8 août, mais diffusé discrètement sur son site vendredi 19 août, la commission d’enquête critique le périmètre de l’enquête publique menée en juin dans les Ier, IVe, VIIe et XIIe arrondissements. Ce périmètre correspond au strict cadre du projet de la ville qui prévoit de bannir l’accès des voitures à la voie Georges-Pompidou sur un tronçon de 3,3 kilomètres, à partir de l’entrée du tunnel des Tuileries jusqu’au port de l’Arsenal. Cette interdiction du trafic doit intervenir début septembre, une fois les parasols de Paris Plage retirés.

Or les reports de circulation affecteront « de manière significative » un secteur plus large, rejaillissant aussi sur les Ve, VIe et VIIe arrondissements, estiment les trois membres de la commission d’enquête désignés par le tribunal administratif de Paris et présidée par le juge administratif, François Amblard. Ces derniers arrondissements « subiront un report de près des trois-quarts des véhicules qui ne pourront plus emprunter les voies sur berges ».

« Pour être sincère, et permettre d’en apprécier l’intérêt public, l’enquête doit inclure dans son périmètre toutes les zones dans lesquelles ledit projet est susceptible d’entraîner des conséquences positives ou négatives notables », insiste la commission. Un périmètre qui devrait inclure la banlieue, souligne-t-elle, en rappelant qu’« à sa création, la voie George-Pompidou avait vocation à être un axe permettant de traverser Paris d’ouest en est, et, pour les habitants de la banlieue, de gagner commodément le cœur de Paris ou de s’en éloigner, ce qui lui conférait un intérêt dépassant les limites de la ville ».

La commission s’estime ne pas être en mesure, en l’état, de se prononcer « valablement » sur l’intérêt public du projet, expliquant manquer d’informations sur la nature, la provenance et la destination des 43 000 véhicules qui empruntent cette voie tous les jours. Ni l’étude d’impact réalisée et portée au dossier par la ville ni les observations complémentaires faites en réponse à ses demandes ne lui ont apportés ces éléments.

La commission estime donc ne pas pouvoir juger de l’impact du projet en termes d’amélioration de la qualité de l’air, objectif premier pourtant de la maire. La ville, qui enregistre de nombreux jours de dépassement des seuils de particules fines et d’oxydes d’azote, paie un lourd tribut en termes de santé publique. Aussi, soulignant la « non-pertinence des hypothèses de calcul retenues et de la zone considérée », demande-t-elle à la ville d’élargir et de compléter son étude d’impact.

Projet d’aménagement des voies sur berges. | LUXIGON

Se frottant les mains, l’opposition municipale se félicite de voir repris par la commission nombre de ses arguments. « Nous avons demandé en vain, à plusieurs reprises, à la maire de mettre en place des capteurs afin de mesurer la qualité de l’air sur la voie concernée avant et après fermeture, et d’obtenir des résultats précis. Rien ne montre que ce projet va améliorer la qualité de l’air, bien au contraire il va l’aggraver avec les reports de circulation qu’il entraînera, tance Jean-François Legaret, maire du Ier arrondissement et vice-président du groupe Les Républicains au conseil de Paris. Nous n’hésiterons pas à aller devant les tribunaux pour plaider un abus de pouvoir si Mme Hidalgo persiste dans sa mauvaise foi », prévient-il.

La région Ile-de-France présidée par Valérie Pécresse (LR) appelle elle aussi la mairie de Paris à surseoir à sa décision. « Nous ne sommes pas en désaccord sur le fond du projet qui vise à réduire la pollution. Ce n’est pas la fermeture des voies sur berge qui pose problème mais la méthode, précise toutefois Chantal Jouanno, vice-présidente du conseil régional, chargée de l’écologie et du développement durable. La Région est tout à fait prête à faire avec Paris les études demandées en prenant en compte l’impact non seulement sur le centre de la capitale, mais aussi sur les arrondissements périphériques et la banlieue. »

Une préoccupation pleinement partagée par Jacques J. P. Martin, maire (LR) de Nogent-sur-Marne, qui se dit déçu de la position de résistance dans laquelle s’enferre la maire de Paris : « Limiter la place de la voiture va dans le bon sens. Mais la maire de Paris ne peut considérer que ce projet n’est qu’une affaire parisienne. Mettons en place un comité de pilotage Paris Banlieue et étudions ensemble des solutions alternatives (parking relais, bus propres, Autolib', etc.). Et celui-ci d’assurer : Si nous nous mettons d’accord sur un plan d’alternatives à développer, nous serions d’accord pour qu’elle commence à engager sa piétonnisation à titre expérimental. »

La maire de Paris entendra-t-elle ces appels ? Pour l’heure, bien décidée, « dans le respect du droit », à ne pas suivre l’avis de la commission d’enquête, Anne Hidalgo présentera au prochain conseil de Paris, le 25 septembre, la délibération visant à valider définitivement le projet. Il reviendra ensuite au préfet de police de Paris de prendre la décision de fermer le tronçon de la voie George-Pompidou concerné.

« A court terme, la mesure va provoquer des embouteillages et augmenter la pollution, reconnaît Franck Laval, président de l’association Ecologie sans frontière. Mais cette décision, volontariste va dans le bon sens. Les gens finiront par s’adapter. Nous n’avons plus le temps de tergiverser face à l’enjeu de santé publique. »

Un contenu de cette page n'est pas adapté au format mobile, vous pouvez le consulter sur le site web