On se souvient de la précipitation avec laquelle, au lendemain des attentats du 13 novembre, des exercices simulant une attaque terroriste avaient pu être menés dans certaines écoles. Cette peur d’une « troisième guerre mondiale » mise en avant par les élèves ; l’anxiété des familles ; les questionnements d’enseignants à qui la société demande beaucoup. La presse s’était fait l’écho de ces initiatives en milieu scolaire virant parfois à la pantomime – « quelques remontées, en particulier dans l’académie de Caen », précise la fédération de parents FCPE.

Peut-on rendre ces entraînements systématiques, comme souhaite le faire le gouvernement en demandant aux écoles, collèges et lycées qu’un des trois exercices organisés durant l’année 2016-2017 porte, si possible avant la Toussaint, sur un « attentat-intrusion », sans voir une vague d’angoisse déferler sur la communauté éducative – et les enfants ?

Rue de Grenelle, on veut croire que oui, en misant sur l’accompagnement et le travail collectif des équipes. En demandant à ce que, dès la réunion de rentrée, les familles soient tenues informées. En insistant, surtout, sur la nécessaire adaptation de cet exercice reproduisant deux postures en cas d’attaque terroriste – « s’échapper ou s’enfermer » – à l’âge des enfants.

C’est, sans surprise, avec les plus jeunes qu’il faut, rappelle un petit guide réalisé par l’académie de Versailles pour la maternelle, « éviter le sentiment d’insécurité ». Organiser, dès 5-6 ans, des débats argumentés sur la mort, la peur, la violence, la méchanceté, pourquoi pas. Expliciter les raisons précises de cet exercice, non. « On peut parler par exemple d’exercice pour apprendre à se cacher », font valoir les auteurs de ce vade-mecum.

Reste que se cacher en silence quand on a entre 3 et 6 ans ne va pas de soi : une durée de trois à cinq minutes est un maximum à cet âge, estiment-ils. Pour apprendre à se taire, quatre pistes sont avancées : imaginer un geste en symbolisant par exemple le poisson ou une télécommande sur laquelle on appuierait pour faire pause/lecture ; chanter des comptines un doigt sur la bouche ; jouer au roi du silence ; travailler des exercices de relaxation. Pour apprendre à se cacher, le guide fait sept propositions allant de l’organisation d’une course d’orientation pour s’approprier les lieux, au « jeu des statues » qui impose de rester immobile pour ne changer de position qu’au signal de la maîtresse.

« S’échapper à l’extérieur de l’école avec des enfants jeunes nécessite une réflexion à part », pointe le guide. Pour les collégiens et les lycéens, en revanche, c’est bien sur les deux scénarios que les établissements et leurs équipes pourront travailler, si besoin avec des partenaires extérieurs (police, gendarmerie, collectivités), en fonction de la localisation de chaque classe au moment du déclenchement de l’alerte. Un déclenchement dont la date et les conditions devront être décidées collectivement, sans faire l’usage d’armes factices, apprend-on à la lecture de deux autres guides rédigés l’un à l’usage des chefs d’établissement, l’autre à des parents d’élèves.

L’effort de pédagogie que l’institution déploie peut-il suffire à dépasser les réserves ? Le syndicat SNUipp-FSU en appelle à « l’intelligence et au discernement » des enseignants quand le SE-UNSA regrette, plutôt, l’absence de formation des professeurs. « Ce qui compte, c’est moins l’exercice en tant que tel que la compréhension de ce qu’il y aurait à faire en cas d’attentat, souligne Philippe Tournier, porte-parole des proviseurs du SNPDEN-UNSA. Les propositions qui nous sont faites sont simples, lisibles, concises… certes. Mais l’intérêt n’est pas tant de simuler que d’obliger à penser ce qu’il y a à faire en situation d’urgence ». Enseignants et chefs d’établissements pointent deux écueils – deux « extrêmes » : le risque que l’exercice tourne à la « rigolade » et le danger, inverse, de plonger les élèves dans l’angoisse.