Le représentant du gouvernement colombien Humberto de la Calle (à droite) sert la main du représentant des FARC, le commandant Ivan Marquez (à gauche). Au centre, le ministre des affaires étrangères cubain, Bruno Rodriguez. A La Havane, le 24 août. | YAMIL LAGE / AFP

Après quatre ans d’intenses négociations et plus d’un demi-siècle d’affrontements, la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC, marxiste) et le gouvernement de Bogotá ont annoncé, mercredi 24 août, être parvenus à sceller un accord de paix historique.

Ce texte est présenté par les deux parties comme « final, intégral et définitif sur la totalité des points à l’agenda » des pourparlers menés depuis novembre 2012 à La Havane. Un communiqué, lu par le diplomate cubain Rodolfo Benitez, résume :

« La mise en œuvre de cet “accord final pour la fin du conflit et la construction d’une paix stable et durable mettra définitivement fin à un conflit armé de plus de 50 ans. »

« Nous sommes arrivés à bon port. L’incertitude a pris fin », avait fait savoir peu avant cette annonce le chef suprême des FARC, Timoleon Jimenez, dans des déclarations à Nueva Colombia Noticias, l’organe de presse de la guérilla. De son côté, le président colombien, Juan Manuel Santos, a salué la fin de « la tragédie de la guerre ».

Avant de pouvoir déclarer la fin du conflit, le plus ancien d’Amérique latine, le gouvernement devra soumettre le texte présenté mercredi au peuple colombien lors d’un référendum organisé le 2 octobre. Selon les derniers sondages, la population colombienne penche en faveur du « oui ». Une forte opposition se fait toutefois entendre, dans le sillage de l’ex-président (2002-2010) et sénateur de droite Alvaro Uribe, principal opposant aux pourparlers. Le rejet des accords de paix par les Colombiens provoquerait l’annulation de ce qui a été conclu à La Havane.

Armes fondues pour construire des monuments

Ce pacte historique marque la fin officielle des pourparlers menés depuis novembre 2012 à La Havane sous l’égide de Cuba et la Norvège. Cette quatrième tentative de paix a été proche d’achopper à plusieurs reprises, du fait de nombreux accrochages armés en Colombie ou après l’enlèvement d’un général par la rébellion fin 2014.

Ces négociations avaient franchi un pas décisif le 23 juin dernier lorsque la guérilla et Bogotá, en lutte depuis 1964, ont conclu un accord sur les modalités d’un cessez-le-feu bilatéral et définitif, ainsi que sur le désarmement des FARC. Au cours des mois ayant précédé cet accord, les affrontements avaient été contenus à un niveau jamais atteint depuis des décennies, notamment à la faveur d’une trêve unilatérale observée par les marxistes depuis juillet 2015.

Une fois l’accord de paix final validé, la rébellion doit commencer à réunir ses troupes pour les désarmer, alors que le cessez-le-feu devra être contrôlé par un mécanisme tripartite comprenant le gouvernement, les FARC et une mission de l’ONU. Selon le protocole établi, la guérilla devra révéler le nombre total de ses combattants – évalué autour de 7 000 par les autorités – huit jours après avoir signé la paix. Le désarmement devra être bouclé en 180 jours et les armes seront fondues pour construire trois monuments. La rébellion entamera alors sa mue pour se transformer en mouvement politique.

Les deux parties se sont déjà mises d’accord sur la façon de juger les militaires et rebelles accusés des crimes les plus graves pendant le conflit, ainsi que sur une amnistie pour ceux ayant commis des actes moins importants comme la rébellion ou le port illégal d’armes. Ceux qui avoueront devant des tribunaux spéciaux pourront éviter la prison et bénéficier de peines alternatives. Dans le cas contraire ils s’exposeront à des peines de 8 à 20 ans de prison.

260 000 morts, 45 000 disparus

Si cette paix se concrétise, cela ne signifiera pas pour autant la fin immédiate du conflit en Colombie, où la seconde guérilla du pays, l’Armée de libération nationale (ELN) et les bandes criminelles continuent de défier le gouvernement. Mais l’espoir est permis avec ces avancées cruciales, conjuguées à l’annonce en mars de futurs pourparlers de paix entre Bogotá et l’ELN.

Le conflit colombien a impliqué au fil des décennies guérillas d’extrême gauche, paramilitaires d’extrême droite et armée, et officiellement fait quelque 260 000 morts, 45 000 disparus et 6,9 millions de déplacés.