« Dans plus des trois quarts des cas, il s’agit d’un homme, âgé, à 68 %, de 36 à 55 ans, disposant de plus de six ans d’ancienneté et occupant un poste à responsabilités » (Photo: Jérôme Kerviel, en janvier 2016). | DOMINIQUE FAGET / AFP

Un délégué syndical d’Air France licencié en 2010 pour trafic de billets d’avion. Huit salariés du conseil général de Seine-Saint-Denis mis en cause, en janvier 2015, dans une affaire d’escroquerie aux allocations handicap et vieillesse... Les cas de fraude sont légion en entreprise. C’est ce qui ressort de la dernière étude publiée sur le sujet par le cabinet de conseils KPMG.

« La fraude est par nature difficile à mesurer puisque c’est un phénomène illicite », note Jean-Marc Lefort, associé KPMG Forensic, le département en charge des investigations de fraudes comptables et financières. « On ne la connaît que quand on parvient à la déceler. » Pour plus de fiabilité, les chiffres révélés ici ne s’appuient donc pas sur un sondage mais sur une analyse menée entre mars 2013 et août 2015 de 750 cas réels relevés dans 81 pays à travers le monde.

Une personne au-dessus de tout soupçon

Il en ressort que le profil du fraudeur n’a pas tellement changé par rapport aux éditions précédentes. Dans plus des trois quarts des cas, il s’agit d’un homme, âgé, à 68 %, de 36 à 55 ans, disposant de plus de six ans d’ancienneté et occupant un poste à responsabilités. Bref, une personne au-dessus de tout soupçon !

A noter toutefois que la proportion des femmes « fraudeuses » a progressé de 13% à 17 % entre 2010 et 2015. Si la plupart d’entre elles ont tendance à agir seules, il n’en est pas de même pour leurs homologues masculins.

Escroquerie en bande organisée

« D’année en année, on constate une augmentation régulière du phénomène de collusion », note Jean-Marc Lefort. Aujourd’hui, 62 % des fraudes impliquent plusieurs personnes, aussi bien en interne qu’en externe. Ainsi, près de la moitié d’entre elles sont commises par un groupe mixte mêlant salariés et individus extérieurs – souvent des anciens collaborateurs.

Leurs motivations ? L’appât du gain à 66 %, loin devant l’effet d’opportunité (27 %).

Leurs méthodes favorites ? Le détournement d’actifs (47 %) et le faux bilan (22 %).

Pour mener à bien leurs magouilles voire leurs escroqueries, ils (ou elles) s’appuient volontiers sur la technologie qui leur permet non seulement d’accéder plus facilement à des informations confidentielles mais aussi de falsifier des documents comptables ou de fournir des informations trompeuses par e-mail.

Contrôles insuffisants

Preuve que les systèmes de contrôle internes sont encore largement insuffisants. 27 % des fraudeurs disent ainsi être passés à l’acte parce qu’ils ont perçu une opportunité liée au manque ou à la défaillance des contrôles internes. La faute principalement à des restrictions de budget.

Les conséquences pour l’entreprise sont pourtant désastreuses, tant en termes de coût que d’image. 27 % des fraudes détectées ont représenté un manque à gagner de 895 000 euros.

D’où l’importance de mettre en place une stratégie de lutte globale. Priorité numéro un : élaborer des règles et des procédures de contrôle internes strictes ainsi qu’un code d’éthique qui donne un cadre aux salariés. « Mais ce n’est évidemment pas suffisant, insiste Jean-Marc Lefort. Il faut aussi se doter d’outils d’analyse de données pour identifier la population à risque. Enfin chaque fois qu’un cas est détecté, il est capital de diligenter une enquête afin de combattre le sentiment d’impunité. »