LA LISTE DE NOS ENVIES

Cette semaine, c’est sur Arte.tv et Arteradio que vous trouverez les meilleurs rendez-vous : un voyage à travers les aventures de Corto Maltese ; une immersion saisissante dans un cabinet médical ; le témoignage hors du commun d’un flic de la brigade des stups.

La littérature dessinée d’Hugo Pratt

(FILES) A person walks past drawings of Corto Maltese by Italian cartoonist and script-writer Hugo Pratt on April 8, 2009 during a visit of the exhibition "Secret journeys" dedicated to his work at the Thomas-Henry art museum in Cherbourg, northern France. Corto Maltese, the debonnaire sea captain anti-hero of a string of classic graphic novels, is to sail again in a new adventure, 20 years after his creator died. AFP PHOTO MYCHELE DANIAU | MYCHELE DANIAU/AFP

A tout seigneur tout honneur. En 1986, le Grand Palais fut le siège d’une révolution en accueillant une rétrospective consacrée à Hugo Pratt. Jamais la bande dessinée n’avait été présentée dans un lieu aussi prestigieux, comme le rappelle le documentaire Hugo Pratt, trait pour trait qui offre, avec des témoignages de proches, une bonne introduction à son univers réel ou rêvé.

Grâce à ce Vénitien épicurien et à ses collègues – Tardi, Forest, Auclair, Comès – du magazine (A suivre), lancé par Casterman en 1978, le 9e art entra dans la maturité et acquit ses lettres de noblesse. Les lecteurs français avaient pourtant découvert Corto Maltese huit ans plus tôt dans les pages de Pif Gadget ! De quoi décontenancer les habitués de Placid et Muzo. Par son retrait de l’action, son refus de l’héroïsme et du boy-scoutisme, le gentilhomme de fortune reste l’anti-Tintin par excellence.

Plus de vingt ans après la mort de Pratt, en 1995, ni son héros ni son œuvre n’ont pris une ride. Ramassées sur une vingtaine d’années, au début du XXsiècle, mais intemporelles, les aventures de Corto Maltese continuent de défier le temps, ainsi que nous le rappelle ce documentaire pour lequel Thierry Thomas a entrepris un voyage à travers le monde pour retrouver les traces de ce mythomane assumé qui prétendait : « J’ai treize façons de raconter ma vie et je ne sais pas s’il y en a une de vraie, ou même si l’une est plus vraie que l’autre. » Bruno Lesprit

« Hugo Pratt, trait pour trait », de Thierry Thomas. Sur Arte.tv

Réconfort d’urgence pour étrangers

Film Trailer: La permanence / On Call
Durée : 01:40

Chaque vendredi après-midi, il propose des consultations gratuites et sans rendez-vous à des étrangers (des migrants primo-arrivants) en grande souffrance. Dans son minuscule bureau de l’hôpital Avicenne, situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), le docteur Jean-Pierre Geeraert – entouré d’une psychiatre et d’une assistante sociale – enchaîne les entrevues, apportant sans relâche du réconfort à ces personnes.

Dans La Permanence, des témoignages terrifiants se succèdent. Sans jamais tomber dans le pathos, ce long film montre, tout en sobriété, la douleur vécue par les migrants qui ont choisi la France pour se reconstruire. Le plus souvent, la caméra placée derrière le docteur filme en gros plan le patient, donnant le sentiment au téléspectateur d’être en immersion dans le modeste cabinet.

La Permanence tord le cou aux discours courants sur les étrangers venus en France pour profiter des aides sociales comme la couverture maladie universelle, en montrant la détresse physique et mentale dans laquelle ces hommes et femmes se trouvent. Le docteur Geeraert, la soixantaine, tente de les rassurer et de les aider à trouver le sommeil. Il passe son temps à prescrire des antidépresseurs, selon lui « l’expression de notre impuissance ». Mustapha Kessous

« La Permanence », d’Alice Diop (France, 2016, 97 min). Sur Arte.tv

Les faiblesses du flic des stups

Après « Crackopolis » (2014), plongée saisissante dans l’univers de la drogue, Arte Radio change de camp avec « Flicopolis » : une série en huit épisodes, réalisée par Merry Royer, dans laquelle témoigne anonymement – droit de réserve oblige – un policier de la brigade des stupéfiants qui opère dans une ville de Seine-Saint-Denis.

Avec un franc-parler peu ordinaire, le fonctionnaire de police raconte son quotidien fait de violences, de planques, de pressions, de tentations. Parfois désabusé par l’ampleur du trafic et des réseaux organisés, il dénonce le manque de moyens et l’envergure des tâches administratives prenant parfois le pas sur le travail d’enquête. Et il regrette la politique du chiffre que sa profession subit.

Un travail parfois vain puisque, contrairement au reste de la France, les tribunaux et les prisons de Seine-Saint-Denis, engorgés, conduisent souvent à un simple rappel à la loi. Durant la demi-heure de témoignage, on découvre un fonctionnaire qui admet ses faiblesses notamment sa tentation face à cet argent facile. Un témoignage qui sort des sentiers battus. Johan Cherifi

« Flicopolis », de Merry Royer. Sur Arteradio