Un corps sous un drap blanc et vingt-six douilles de Kalachnikov matérialisées par autant de cavaliers jaunes numérotés… Marseille a connu, vendredi 26 août, un nouveau règlement de comptes, perpétré en pleine journée, dans le quartier tranquille de Saint-Julien (12e arrondissement). L’homme âgé de 40 ans, connu des services de police, est le vingt-et-unième mort depuis le 1er janvier.

Les enquêteurs comptabilisent déjà huit tués de plus qu’en 2015 à la même période et le chiffre des dix-neuf morts relevé l’année passée est d’ores et déjà dépassé.

Quelques heures plus tôt, aux Pennes-Mirabeau (Bouches-du-Rhône), une commune qui jouxte les quartiers Nord de Marseille, les pompiers avaient découvert dans une voiture en feu, le corps d’un homme, poings liés, tué d’au moins trois tirs.

Technique du « barbecue »

Son identité ne devrait être établie qu’à l’issue d’une autopsie et de comparaisons ADN mais, du fait de la technique utilisée, dite du « barbecue », dans le jargon des voyous – à savoir un assassinat suivi de l’incendie du véhicule dans lequel le corps est placé afin de retarder toute forme d’identification –, la police judiciaire a pu évoquer sans attendre un règlement de comptes.

La comptabilité macabre s’est accélérée depuis l’automne 2015, en raison, notamment, du nombre des victimes de certains règlements de comptes : trois morts dans une épicerie de la cité Bassens, le 2 avril, ou encore deux adolescents de 15 ans et un homme de 24 ans abattus le 25 octobre 2015 dans le hall d’un immeuble de la cité des Lauriers.

A trois reprises cette année, les secouristes ont relevé deux victimes sur une même scène de crime. C’était encore le cas le 7 août lorsque les auteurs, après avoir fait sortir de leur véhicule plusieurs personnes, ont abattu deux jeunes hommes de 19 et 20 ans, l’un d’eux n’ayant pu courir qu’une dizaine de mètres avant d’être fauché par une rafale de fusil d’assaut.

Huit règlements de comptes déjoués

Le trafic de stupéfiants compose la toile de fonds de ces assassinats. Les enquêteurs supposent ainsi que le quadragénaire abattu vendredi tentait de « reprendre » le point de vente de cocaïne des cités Val Plan-La Bégude, démantelé il y a quelque temps.

« Lorsqu’on fait tomber un plan stups, cela crée des velléités de la part de concurrents », explique un enquêteur. Mais les rivalités de territoires entre bandes semblent aussi muter en de véritables vendettas, animées par le souci de venger des proches.

La police judiciaire est ainsi très attentive à deux principaux conflits qui opposent des clans rivaux pour la suprématie du trafic de drogue dans les cités des quartiers Nord de la ville. L’un d’eux, « la guerre des Blacks et des Gitans », qui sévit dans le 13e arrondissement, aurait le plus ensanglanté les trottoirs de Marseille depuis 2008 avec une vingtaine de morts, dont six cette année qui apparaissent liées à ce « contentieux meurtrier ».

S’il admet que les chiffres ne sont pas bons, le préfet de police, Laurent Nunez, constate cependant que « les quatre règlements de comptes d’août semblent sans lien entre eux et ne marquent donc pas une forme d’escalade ».

L’accélération de ce type d’assassinats intervient alors que la police judiciaire interpelle pourtant des auteurs présumés et affirme avoir déjoué, en 2016, huit règlements de comptes fomentés par des équipes prêtes à passer à l’action, notamment en ayant « balisé » la voiture de leur « cible ». Il y a quelques jours, une planque a ainsi été découverte dans les quartiers Nord contenant trois Kalachnikovs et des véhicules volés.

Ce phénomène que les autorités ne parviennent pas à endiguer occulte d’autres chiffres plutôt bons comme la saisie des armes – soit 250 pour les huit premiers mois de l’année contre 160 en 2015 à la même période – ou l’augmentation (+60 %) des personnes interpellées pour trafic de stupéfiants.