Bertrand Bonello

« J’aime l’ambivalence du masque, cet accessoire de fête à la fois amusant et terrifiant. Ce qu’il cache et ce qu’il montre permet d’ouvrir énormément de portes mentales – le visage dissimulé, on s’autorise des choses hors normes. Porter un masque, c’est comme disparaître, sans aller jusqu’à la mort.

Dans mes films, je souligne souvent cette disparition de soi. Pour L’Apollonide, par exemple, j’ai imaginé une prostituée défigurée qui retrouve les faveurs de ses clients lorsqu’elle se met à porter un masque, emblème de sa déshumanisation. J’ai fait fabriquer des faciès d’animaux pour De la guerre, qui sont devenus indispensables à mon histoire. Pour illustrer
cet article, j’ai choisi celui, en plastique, que j’ai acheté au rayon jouets d’un grand magasin pour mon dernier film, Nocturama.

A la fin du tournage, il a rejoint ceux que j’ai déjà chez moi. Ce n’est pas une collection à proprement parler, mais j’en possède quand même un certain nombre : de belles parures africaines, d’autres, plus anecdotiques, dénichés dans des magasins de farces et attrapes. Je me les suis tous procurés dans un but cinématographique. Ils sont posés négligemment chez moi et je me suis habitué à leur présence.

Quand je reçois, ils inquiètent souvent mes convives. Et je dois admettre que, si je baisse l’intensité de l’éclairage, ils peuvent parfois me déranger. Ceux qui me perturbent le plus sont les plus simples, les plus proches du visage humain. Je les trouve effrayants, presque morbides, un peu comme les mannequins des vitrines. Dans le pire des cas me reviennent en tête les masques du Silence des agneaux et de Massacre à la tronçonneuse, qui m’ont terriblement impressionné. »

« Nocturama », de Bertrand Bonello. Avec Finnegan Oldfield, Vincent Rottiers et Hamza Meziani. en salles le 31 août (Lire aussi p. 85).