L’Américain Frank McCourt, futur propriétaire de l’OM, à Marseille, le 29 août. | CLAUDE PARIS / AP

Son discours très carré et ambitieux est censé redonner espoir à des supporteurs de l’Olympique de Marseille en plein désarroi. A 63 ans, l’Américain Frank McCourt est entré en négociations exclusives avec Margarita Louis-Dreyfus (MLD) pour le rachat du club phocéen. Inconnu jusqu’alors des tifosi olympiens, l’entrepreneur de Los Angeles, ex-propriétaire du club de base-ball des Dodgers (2004-2012), a trouvé un slogan clinquant pour baptiser son projet : « OM champion ».

Un projet séduisant que l’acquéreur aux yeux cerclés de petites lunettes a succinctement présenté lors d’une conférence de presse organisée à l’hôtel de ville de Marseille, aux côtés de l’édile (Les Républicains) Jean-Claude Gaudin, et de MLD, la veuve suisso-russe du milliardaire Robert Louis-Dreyfus, l’ex-PDG d’Adidas, disparu en 2009, et qui était devenu l’actionnaire principal de l’OM en 1996. Désireux de reprendre un club européen depuis 2014, Frank McCourt s’est notamment appuyé sur Jacques-Henri Eyraud, patron du journal Paris turf, et l’avocat Didier Poulmaire – qui gérait les intérêts de l’ex-nageuse Laure Manaudou et du footballeur Yoann Gourcuff – pour mener les tractations avec la propriétaire de la formation phocéenne.

Frank McCourt et Jean-Claude Gaudin, à Marseille, le 29 août. | CLAUDE PARIS / AP

« Je veux une équipe qui vise le titre chaque saison, c’est mon aspiration numéro un », a confié M. McCourt à L’Equipe, considérant le nonuple champion de France et vainqueur de la Ligue des champions, en 1993, comme « l’une des plus belles marques au monde. Je veux construire une formation cohérente, stable, compétitive, qui va permettre d’installer de la régularité. Ensuite, je veux créer la meilleure expérience possible pour le supporteur de l’OM, la meilleure ambiance de toute la Ligue. Je veux créer un club modèle, qui fera le plaisir de toute la communauté des fans. Et enfin, le management doit être solide, viable, en place sur une longue durée. Je veux de la pérennité, du professionnalisme. On doit être les plus professionnels en France. »

Vente record des Dodgers en 2012

Celui qui qualifie – dans un entretien à La Provence l’OM de « géant endormi » souhaite « le mener à des niveaux extrêmement élevés ». Au point de se poser en concurrent numéro un du fonds Qatar Sports investments (QSI), propriétaire depuis 2011 du Paris-Saint-Germain ? « Je suis quelqu’un de très fortuné », a glissé le natif de Boston à L’Equipe, sans trop s’étendre.

En 2012, Frank McCourt s’est distingué en vendant le club des Dodgers de Los Angeles pour 2,15 milliards de dollars au consortium Guggenheim Baseball Management. « Le montant le plus important jamais payé pour une équipe sportive dans l’histoire du sport, toutes disciplines confondues », comme le souligne, de manière grandiloquente, le communiqué de l’OM. Huit ans plus tôt, il avait racheté les Dodgers ainsi que son stade pour… 430 millions de dollars.

La vente record de 2012 ne masque guère le règne controversé du richissime entrepreneur. Selon ESPN, le sexagénaire serait le deuxième plus mauvais propriétaire dans l’histoire de la ligue de base-ball. Si les Dodgers ont remporté trois titres de division (2004, 2008, 2009), leur propriétaire ne s’est pas illustré par sa gestion sourcilleuse des comptes du club. Loin s’en faut. Alors qu’il avait placé son épouse Jamie à la présidence puis à la direction générale de l’institution, Frank McCourt a dû débourser, en 2011, 131 millions de dollars suite à son divorce.

Cette année-là, le club, déficitaire, est confié à un commissaire indépendant, missionné pour surveiller ses comptes. En outre, selon plusieurs rapports, les fonds de la Dream Foundation, l’organisme caritatif des Dodgers dirigé par un conseiller juridique de McCourt, auraient également couvert les dépenses personnelles des McCourt.

Une passion pour le sport

Diplômé d’économie à l’université de Georgetown, le futur propriétaire de l’OM est par ailleurs président de McCourt LP, la compagnie familiale créée en 1893 et « spécialisée dans la création de valeur pour les générations futures à travers des investissements entrepreneuriaux, stratégiques et philanthropiques », selon le communiqué de l’OM. L’élégant entrepreneur dirige également McCourt Global, « société d’investissement et de gestion alternative spécialisée dans l’immobilier et l’investissement en capital ».

Outre son règne à la tête des Dodgers, l’homme d’affaires se prévaut d’une grande expérience dans le monde du sport. Propriétaire du marathon de Los Angeles, il est par ailleurs copropriétaire avec le Néerlandais Jan Tops du Global Champions Tour, concours international de saut d’obstacles, dont l’une des étapes passe à Chantilly. Son grand-père fut d’ailleurs copropriétaire de l’équipe de base-ball des Boston Brave, lançant le Jimmy Fund, association caritative de l’équipe, devenue « l’une des principales organisations de mécénat aux Etats-Unis qui soutiennent la recherche contre le cancer ».

Un rachat « sur une période qui peut aller de quelques semaines à quelques mois »

A La Provence, Frank McCourt a indiqué que le processus de rachat s’étalerait « sur une période qui peut aller de quelques semaines à quelques mois ». En attendant la finalisation de la transaction, l’équipe dirigeante de l’OM, chapeautée par son président Giovanni Ciccolunghi, continuera à gérer les affaires courantes.

Père de cinq enfants, M. McCourt ne semble pas enclin à s’installer à Marseille. Une ville que son père, engagé dans les forces américaines lors du débarquement de Provence, a contribué à libérer, en 1944, comme l’a rappelé Jean-Claude Gaudin.

Ce rachat intervient alors que l’OM a terminé la saison précédente à une piteuse 13e place en Ligue 1, entre déboires sportifs et conflits internes. L’opération referme le règne controversé du clan Louis-Dreyfus. Deux décennies au cours desquelles l’OM n’aura remporté qu’un titre de champion de France (2010) et trois Coupes de la Ligue (2010, 2011, 2012) tout en perdant à deux reprises en finale de la Coupe de l’UEFA (en 1999 et 2004).

Frank McCourt s’apprête à prendre les commandes d’un club locataire de son stade (pour une base de 4 millions d’euros annuels, à laquelle peut s’ajouter une part variable en cas de recettes de plus de 20 millions d’euros) et miné par les rivalités politiques.

« C’est un engagement à long terme de ma famille et de moi-même. Je suis le seul actionnaire de mon entreprise familiale, a déclaré à L’Equipe l’homme d’affaires américain. J’aimerais qu’un jour, un de mes enfants reprenne le club. Je vois loin. »