Le jeu Pokémon Go permet à l’utilisateur de chasser les créatures japonaises sur son téléphone portable grâce à un système de réalité augmentée. Ici au Trocadéro, à Paris, le 26 juillet. | THOMAS SAMSON / AFP

Pas de chance pour les culottes courtes qui retrouvent, ce jeudi 1er septembre, les bancs de l’école. Leur ministre, Najat Vallaud-Belkacem, a solennellement banni les Pokémon des écoles de France. Les craquantes créatures qu’ils se sont évertués à chasser dans tous les recoins de leurs vacances les attendront dehors pour la sortie des cours. Pourtant, ces braves bêtes n’ont pas démérité. Grâce à l’acharnement des têtes blondes ou brunes et la complicité bienveillante de leurs parents, elles ont tout de même réussi l’exploit de ressusciter un secteur que l’on disait moribond, celui des télécommunications mobiles en France.

« Plus personne ne peut dire que nous sommes morts ! » s’est exclamé Olivier Roussat, le patron de Bouygues Telecom, comme pour souligner le miracle de la chose. Il est vrai qu’à la suite de l’échec de la fusion de l’entreprise avec son concurrent Orange, beaucoup d’analystes donnaient peu cher de la peau du troisième opérateur français. Les résultats du premier semestre 2016 ont démontré qu’une stratégie commerciale dynamique sur un marché en pleine évolution pouvait démentir les pronostics les plus sombres.

Accoutumance

Pour la première fois depuis 2011, la branche mobile de l’opérateur a renoué avec la croissance, à la fois en chiffre d’affaires et en résultat. Il n’est pas le seul. Son ennemi Free, cause de tous ses malheurs, a récupéré 400 000 abonnés de plus, et surtout convertit ses petits abonnés à deux euros en gros consommateurs à 20 euros par mois. Ce que son directeur général a qualifié d’« effet Pokémon ». Ce n’est pas qu’une formule. Plus de 10 % de la population française est tombée cet été sous le charme de Pikachu et de ses amis monstres. 5 à 10 millions de Français ont marché des heures, l’œil rivé sur le smartphone et son application de « réalité augmentée », qui fait apparaître les petites bêtes dans son environnement immédiat.

Le jeu sur smartphone devient désormais le passe-temps préféré d’une grande partie de la population

Tout cela consomme des quantités phénoménales de données et convertit plus d’abonnés à l’Internet mobile. Bien sûr, la mode des Pokémon rejoindra celles des Sims et autres Farmville au cimetière des passions éphémères, mais il aura accoutumé les utilisateurs. Et ce n’est qu’un début. Les applications mobiles consomment de plus en plus de vidéos et le jeu sur smartphone devient désormais le passe-temps préféré d’une grande partie de la population.

Le potentiel de croissance est donc encore important sur ce marché, comme le prouvent la conversion des abonnés Free et le succès de la stratégie offensive de Bouygues Telecom dans le haut débit mobile en 4G. Une évolution qui explique aussi les déconvenues de SFR, qui, tout à sa restructuration, a baissé la garde sur les investissements en 2014 et 2015. Il est parfois utile de rappeler qu’un peu de stratégie et de dynamisme commercial peuvent être plus efficaces que de grandes manœuvres capitalistiques. On appellera cela le théorème du Pikachu.