La manifestation en oposition au président Maduro aurait rassemblé près d’un million de personnes à Caracas, le 1er septembre. | Ariana Cubillos / AP

Près d’un million de personnes, selon l’opposition vénézuélienne, ont défilé jeudi 1er septembre pour demander la mise en place d’un référendum révocatoire à l’encontre du président socialiste Nicolas Maduro.

« Nous avons montré au monde l’importance du Venezuela qui veut un changement. C’est une marche historique. Aujourd’hui débute l’étape définitive de cette lutte », a estimé Jesus Torrealba, porte-parole des antichavistes, réunis sous la coalition de la Table de l’unité démocratique (MUD, centre droit).

« Entre 950 000 et 1,1 million de personnes » ont battu le pavé à Caracas, a-t-il assuré à l’Agence France-Presse (AFP) – plusieurs reporters de la presse internationale, dont notre envoyée spéciale Marie Delcas, ont été refoulés du pays. Il s’agit, selon lui, de « la plus importante mobilisation de ces dernières décennies ».

De « la prise de Caracas » à la « prise du Venezuela »

Vêtus de blanc, agitant des drapeaux jaune, bleu et rouge du Venezuela, et des pancartes où l’on pouvait lire « changement » ou « référendum, maintenant », une marée d’antichavistes – du nom de l’ex-président Hugo Chavez au pouvoir de 1999 à 2013 – a rempli trois larges avenues de l’est de Caracas. « Il va tomber, il va tomber, ce gouvernement va tomber ! » et « Le Venezuela a faim ! », scandaient les partisans de l’opposition.

A la « prise de Caracas » des détracteurs de Nicolas Maduro, les soutiens du chef de l’Etat socialiste répondaient par la « prise du Venezuela » : une grande contre-mobilisation dans le centre de la capitale, mais qui apparaissait toutefois moins massive. « Aujourd’hui, nous avons vaincu le coup d’Etat (…) ils ont échoué une nouvelle fois, la victoire est à nous », a affirmé le président devant une foule habillée de rouge.

Les deux rassemblements se sont déroulés sans incident majeur. Quelques affrontements sporadiques et des jets de gaz lacrymogène ont éclaté à la fin du cortège de l’opposition, qui a dénoncé « l’infiltration » de groupes violents.

La question cruciale du calendrier

Le Venezuela fait face à une récession économique liée à l’effondrement des prix du pétrole, pourvoyeur de 96 % des revenus du pays. Faute de dollars pour importer, la pénurie d’aliments et de médicaments atteint un niveau dramatique : 80 % sont manquants, selon l’institut Datanalisis. S’y ajoute une crise politique et institutionnelle depuis la victoire de l’opposition aux législatives fin 2015.

Depuis des mois, les antichavistes réclament la tenue d’un référendum révocatoire en 2016. L’objectif de la marche de ce jeudi était d’accroître la pression sur le gouvernement pour accélérer le processus. Les autorités électorales ont en effet dévoilé début août un calendrier qui rend quasiment impossible l’organisation cette année de la consultation populaire, évitant ainsi au parti socialiste au pouvoir un éventuel scrutin anticipé.

L’opposition accuse le Conseil national électoral (CNE) d’être à la solde du pouvoir. Car cette question du calendrier est cruciale. Si le vote est organisé avant le 10 janvier 2017 et couronné de succès, comme le prédisent les sondages, de nouvelles élections seront organisées. Mais s’il se tient après cette date, et que le président est révoqué, il pourra être remplacé par son vice-président.

« La main de fer » héritée d’Hugo Chavez

Jeudi devant ses soutiens, Nicolas Maduro a dit disposer d’un décret prêt pour lever l’immunité des parlementaires, accusant la MUD, majoritaire au Parlement, de préparer un coup d’Etat avec le soutien des Etats-Unis. Le dirigeant a établi un parallèle avec la présidente du Brésil Dilma Rousseff, destituée la veille par le Sénat de son pays.

« J’ai la main de fer que [Hugo] Chavez m’a donnée. Que personne ne se trompe avec moi (…) que personne n’utilise l’impunité pour conspirer », a-t-il mis en garde, en visant le président du Parlement Henry Ramos Allup. « Ne perdez pas votre temps en nous menaçant (…) Jamais une telle manifestation pacifique n’avait eu lieu au Venezuela », a rétorqué l’intéressé.

Ces derniers jours, les autorités ont déjà arrêté plusieurs leaders antichavistes, dont l’ancien maire de Caracas Daniel Ceballos. Autre signe de fébrilité du gouvernement : l’expulsion de plusieurs correspondants de médias étrangers arrivés au Venezuela. Parmi eux, l’envoyée spéciale du Monde, Marie Delcas.

Venezuela : des expulsions intolérables

Notre journaliste Marie Delcas a été refoulée par les autorités vénézuéliennes de l’aéroport de Caracas, avec d’autres reporters de la presse internationale, mercredi 31 août. Le but de leur déplacement était de rendre compte de la manifestation organisée par l’opposition vénézuélienne pour réclamer un référendum révocatoire en vue du départ du président Nicolas Maduro. Un autre envoyé spécial, déjà présent sur place, a, lui, été expulsé.

Le Monde proteste contre cette entrave…