Deux hommes sont morts après des affrontements, durant la nuit du 1er septembre, à Livreville, la capitale du Gabon, entre les forces de sécurité et les manifestants qui protestaient contre la victoire annoncée du président Ali Bongo. | MARCO LONGARI / AFP

Paul-Marie Gondjout, secrétaire exécutif adjoint de l’Union nationale (opposition) est l’un des vingt-six hauts responsables politiques ou de la société civile toujours retenus illégalement par les forces de l’ordre, depuis la nuit du mercredi 31 août au jeudi 1er septembre, au quartier général de campagne de Jean Ping, le principal candidat de l’opposition à la présidentielle du 27 août.

M. Gondjout avait claqué la porte de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cénap), dont il était le vice-président, peu avant l’annonce de la réélection du président Ali Bongo Ondimba par cette même commission, dénonçant une fraude électorale massive. Cette réélection controversée a immédiatement provoqué des émeutes dans plusieurs villes du pays.

L’ex-vice-président de la Cénap revient sur l’assaut lancé par la Garde républicaine (la GR, unité de protection du président) contre le QG et leurs conditions de vie précaire, depuis. Ce témoignage téléphonique a été recueilli vendredi 2 septembre, en milieu d’après-midi, peu avant leur libération :

« Tout est précaire et humiliant »

« Enfin, aujourd’hui [après trente-six heures de séquestration], nous avons eu un vrai repas grâce aux bonnes volontés de personnes extérieures que la police a laissé passé. Nous avons eu de la nourriture et des médicaments pour soigner notamment l’un d’entre nous qui souffre d’une crise de goutte. Mais pour le reste, rien n’a changé. Tout est précaire et humiliant, c’est ce que cherche le pouvoir sans doute. Nous dormons dehors à même le sol, dans le froid et les moustiques.

Ces conditions très dures notamment pour ceux âgés de plus de 70 ans [parmi eux le président de l’Union nationale, Zacharie Myboto, le directeur de campagne de Jean Ping, René Ndemezo’o-Obiang, et un ancien vice-président de la république gabonaise, Didjob Divungi di Ndinge]. L’accès à l’intérieur du bâtiment, saccagé lors de l’assaut, nous est interdit. Seulement accessible pour les « facilités », elles aussi dans un état insupportable, non nettoyées. Ces conditions sont humiliantes.

Jeudi, le procureur général est venu sur place mais pas pour s’occuper de notre situation. Il est venu pour confirmer un ou plusieurs décès. Nos avocats se sont adressés à lui pour lui signifier que nous sommes séquestrés par la police dans un lieu privé. Pas un commissariat, ni une prison. C’est totalement illégal, anticonstitutionnel. Ils lui ont souligné qu’il est de fait le chef de la police judiciaire. Il a dit qu’il en ferait état au ministre de la justice. Nous attendons sa réponse.

Le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies, Abdoulaye Bathily, nous a également rendu visite, jeudi [1er septembre], à 23 h 30. Il a communiqué notre situation au Conseil de sécurité de l’ONU afin de faciliter notre sortie le plus vite possible. Selon lui, le gouvernement gabonais, contacté par la France, aurait été d’accord pour nous libérer. Mais nous sommes toujours là.

Un assaut sans sommations

Je ne comprends pas pourquoi. Cette séquestration est contre-productive et irrationnelle pour le pouvoir, qui justifie notre séquestration pour notre sécurité. C’est insensé ! Personne ne nous a interrogés ni dit ce que la justice aurait retenu contre nous. On ne nous a même pas demandé notre identité. Et ils nous ont laissé nos téléphones. Tout cela n’a pas de sens. Nous ne pouvons même pas servir de monnaie d’échange.

La nuit de l’assaut [aux alentours d’une heure du matin, jeudi] a été effroyable. Les accès de l’immeuble avaient été sécurisés par des paracommandos et deux blindés de la GR – un de fabrication française, l’autre chinoise – positionnés sur la voie expresse [qui longe le bâtiment à mi-hauteur]. L’attaque a été donnée sans sommation par des éléments de la Garde républicaine dont une unité était cagoulée, vêtue de noir. Ils ont forcé la grille de l’entrée et ont tiré dans tous les sens avec des M16 et des fusils à pompe. Les impacts de balles sur les murs et les traces de sang dans le bâtiment le prouvent. Les vitres ont explosé. J’ai vu deux morts et sept personnes à terre dont je ne sais pas si elles étaient encore vivantes. Mais la GR a chargé des corps dans une voiture.

C’est l’action du groupement d’intervention spécialisée de la gendarmerie, sorte de GIGN gabonais, qui nous a sauvés. Ils étaient stationnés à proximité du domicile de Jean Ping, distant de 500 mètres de son QG. Ils se sont déplacés précipitamment quand ils ont entendu des tirs d’armes automatiques. Ils ont dit qu’il fallait arrêter ça. Les tirs ont cessé. Cela m’a été raconté par des gendarmes qui sont intervenus. Ils sont alors restés sur place et se sont comportés avec beaucoup de professionnalisme. L’intervention de cet autre corps armé a évité une tuerie plus grande. »

Au Gabon, procession en mémoire d’un civil tué
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