Quelles sont les mesures prises en cette rentrée scolaire, particulière étant donné le contexte tendu ?

André Canvel, délégué ministériel chargé de la prévention et de la lutte contre les violences en milieu scolaire : Trois types de mesures ont été pris pour anticiper l’éventualité d’un événement dramatique, pour améliorer la sécurité des établissements scolaires et enfin pour apprendre à réagir à des situations d’intrusion et/ou d’attentats.

Pour l’anticipation sont créés : un état-major départemental de sécurité, pour la protection des espaces scolaires ; trente cellules de gestion de crise, dans chacune des académies ; 131 référents sûreté de l’éducation nationale ; trois nouveaux centres de formation à la gestion de crise, pour les chefs d’établissements, les directeurs d’école, les équipes mobiles de sécurité et les inspecteurs.

Sur le volet sécurisation des bâtiments et de leurs environs : 50 millions d’euros rajoutés au fond interministériel de prévention de la délinquance, pour aider les collectivités territoriales à financer des travaux ; 2 500 correspondants police/gendarmerie du ministère de l’intérieur, pour accompagner les établissements scolaires ; 440 référents sûreté du ministère de l’intérieur.

Enfin, sur la réaction en situation de crise, le troisième et dernier volet : la plupart des établissements ont actualisé leur plan particulier de mise en sûreté ; la programmation de trois exercices de simulation de risques majeurs, dont un exercice dédié à une situation d’attentat-intrusion ; 100 % des élèves de 3e sensibilisés ou formés aux premiers secours dans l’année ; 100 % des délégués de classe, au collège et lycée, formés à ces premiers secours.

N’y a-t-il pas un risque de traumatiser les enfants et les élèves avec un tel dispositif de sécurité ?

Les exercices qui seront proposés dans les écoles maternelles et primaires ont été adaptés à ces catégories d’âge. Il ne s’agira pas d’évoquer par exemple la fuite face à un terroriste armé, mais plutôt d’apprendre aux enfants à se repérer vite dans l’école, sous forme de jeux. Des expériences ont été menées dans l’académie de Versailles qui permettent aujourd’hui de disposer de ressources pédagogiques pour adapter ces exercices au public scolaire.

D’autre part, les enfants se prêtent facilement aux jeux de fiction, qui sont souvent utilisés par les professeurs des écoles pour appréhender une compétence nouvelle. C’est dans cet esprit-là que les exercices seront mis en place, et le concours des parents m’apparaît essentiel. Jouer à se cacher, à ne pas faire de bruit, à ne plus bouger, à réagir rapidement à une consigne, est une façon d’exercer l’enfant à s’adapter à des circonstances particulières.

Où en est l’idée d’installer des portiques à l’entrée des établissements scolaires ?

Toutes les mesures qui ont pour conséquence d’augmenter les attroupements à l’entrée des établissements sont préjudiciables à la sécurité. C’est la raison pour laquelle le ministère a toujours été défavorable à l’installation de portiques de détection, qui en plus impliquent la présence d’agents assermentés.

Aujourd’hui, les élus font des expérimentations en utilisant des tourniquets, sans objection particulière du ministère. Deux régions avaient annoncé leur projet de mettre en place des portiques (Ile-de-France et Auvergne Rhône-Alpes), qu’elles ont abandonné.

Quelles sont les régions les plus concernées par le risque d’attentat ?

Face aux menaces terroristes, mais aussi aux crises liées à des risques majeurs, l’ensemble du territoire est concerné et il paraît délicat d’avoir un traitement différencié. Les académies ont des profils différents, notamment en termes de densité urbaine, et par conséquent les types de risques également.

N’est-il pas du ressort de l’éducation nationale d’établir une liste d’exigences minimales à avoir dans chaque établissement, en matière de sécurité ?

Ce qui importe surtout, ce sont les principes qui fondent la sécurité. Par contre, ces principes ne vont pas trouver une déclinaison identique dans tous les établissements. Il me paraît illusoire d’envisager l’établissement d’une liste, qui serait supposée être exhaustive, alors même qu’elle ne pourra jamais être close face à l’extrême diversité des situations.

Dans mon établissement, nous avons fait dès décembre 2015 un exercice de mise à l’abri qui a montré de nombreux dysfonctionnements. L’administration a demandé des travaux qui n’ont toujours pas été faits. Organiser un exercice avant la Toussaint, alors que nous n’avons pas les moyens matériels de mettre les enfants à l’abri, n’est-ce pas de la bouffonnerie ?

La programmation des travaux est placée sous la responsabilité de la collectivité territoriale de rattachement, en fonction des demandes des chefs d’établissements. Le financement des travaux va trouver un soutien de l’Etat au travers des 50 millions abondés fin août.

Mais il faut savoir que les mesures de sécurité au sein d’un établissement scolaire ne peuvent se résumer uniquement à des aménagements matériels. Les exercices de simulation proposés sont un élément-clé de la construction d’une culture de la sécurité.

De nombreuses kermesses ont été annulées en fin d’année scolaire. Comment concilier sécurité et proximité avec les parents d’élèves ?

Il est essentiel que les mesures de sécurité ne viennent pas perturber les conditions d’une cohésion au sein des communautés éducatives. Si certains événements ont été interdits en fin d’année, on peut le comprendre, eu égard au déploiement du plan Vigipirate et de l’état d’urgence. Aujourd’hui, les mesures annoncées par les deux ministres ont pour ambition, justement, de permettre d’organiser de tels événements, qu’il convient effectivement d’inscrire dès à présent dans les plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) afin de concilier sécurité et proximité.

Certaines écoles maternelles n’autorisent plus les parents à accompagner les enfants dans les classes. C’est plutôt une bonne chose d’éviter des va-et-vient incessants. Mais cela ne me semble pas être le cas dans toutes les écoles publiques. Est-ce normal ?

Il n’a jamais été question, dans les mesures, d’interdire l’accès des écoles aux parents, et donc de « bunkériser » nos établissements scolaires, à l’heure où les réformes en cours invitent à améliorer les liens entre l’école et la famille.

Les personnels de l’éducation nationale ne sont pas membres de forces de sécurité. Et donc, ils ne sont pas habilités à interdire l’accès aux établissements. Les pouvoirs de police sont conférés au maire, et c’est donc les services de la mairie qui peuvent exiger des mesures d’interdiction d’accès aux écoles, collèges et lycée de la commune.

Quand le directeur autorise l’accès à son établissement, et qu’il constate que le visiteur ne respecte pas les consignes de sécurité (présenter une pièce d’identité, notamment s’il n’est pas parent d’un élève), il peut lui en refuser l’accès.

L’impossibilité de rentrer dans les établissements de maternelle avec nos enfants a généré d’énormes attroupements. N’envisagez-vous pas de faire passer des consignes aux établissements pour permettre l’entrée des parents dûment identifiés dans l’école ?

Comme je l’indiquais dans une précédente réponse, quand il y a une interdiction formelle d’accès aux écoles, elle est imposée au directeur par les services de la mairie. Il convient donc de joindre les services de la mairie pour ajuster les dispositifs de sécurité aux abords de l’établissement, afin de permettre de réduire au maximum les attroupements, comme demandé par le ministère. Il me paraît surtout important que tous les acteurs en présence dialoguent, afin de construire une sécurité optimale pour les enfants.

Comment les forces de police travaillent-elles avec les chefs d’établissements sur le terrain ?

Un référent police-gendarmerie est désigné pour assurer le lien avec les directeurs d’école et les chefs d’établissement. Ils sont un peu plus de 2 300 sur le territoire, et sont associés à la réalisation des plans particuliers de mise en sûreté (PPMS) et des diagnostics de sécurité. Ils peuvent également proposer des actions de formation et de sensibilisation dans le cadre de la lutte et de la prévention des violences en milieu scolaire (harcèlement, cyberharcèlement, conduites addictives…).

Les chefs d’établissement ont été reçus par les rectorats afin d’être préparés aux nouvelles mesures de sécurité. Les parents font l’objet également d’une grande attention. Toutefois, aucune formation n’est actuellement prévue pour les enseignants…

Le passage de 200 à 300 formateurs de formateurs aux gestes de premiers secours, ainsi que de 7 000 à 10 000 formateurs sur le territoire, est une première réponse à votre question, pertinente. Rappelons que les professeurs des écoles ont l’obligation depuis 2006 d’être titulaires de l’attestation Prévention et secours civiques de niveau 1 (PSC1) pour se présenter au concours de recrutement. Et que, dans le second degré, les professeurs d’éducation physique et sportive (EPS) ont également cette obligation.

Ces différents éléments permettent de penser que les écoles et les établissements scolaires sont dès à présent en mesure de former leurs enseignants, non pas au PSC1, mais aux gestes de premiers secours.

Il paraît nécessaire également de se rapprocher des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, afin qu’une généralisation de l’obtention du PSC1 devienne une condition d’accès au concours des métiers de l’enseignement et de l’éducation.

Pourquoi les écoles confessionnelles juives font-elles l’objet d’une surveillance par les soldats affectés à Vigipirate et pas les écoles publiques ?

Cette décision est prise conjointement par les services du préfet et du recteur, qui évaluent le niveau de risque et prennent toutes les dispositions nécessaires pour imposer ou proposer des mesures préventives en conséquence.

Comment expliquer que l’entrée de l’une des plus grandes universités de Paris, à savoir l’université Pierre-et-Marie-Curie à Jussieu, ne soit pas « gardée » par des militaires de Vigipirate ?

Les militaires n’ont pas vocation à assurer la sécurité des établissements scolaires ou universitaires en particulier, mais à garantir une présence de forces dans des zones identifiées comme « à risque » par les préfets.

En revanche, depuis les attentats de 2015, les directions des universités ont été fortement mobilisées par les services du haut fonctionnaire de la défense et de la sécurité du ministère de l’éducation, pour établir des diagnostics et des plans de mise en sécurité de leurs établissements. C’est ainsi que des formations ont été programmées, au sein de l’école supérieure de l’éducation nationale, en direction de l’encadrement universitaire.