Le bus développé par l’entreprise française Navia. | NAVYA

Une récente étude d’un laboratoire chargé des transports au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques proposait une solution radicale à l’engorgement automobile des villes : l’interdiction des voitures et bus traditionnels. Elle conseillait leur remplacement par des flottes de navettes électriques à la demande.

Cette idée impliquait le doublement des bus en circulation et donc un effort financier considérable lié à l’embauche d’un grand nombre de chauffeurs. « On peut compter sur les progrès du véhicule autonome pour contrebalancer ce surcoût à terme », suggéraient les auteurs de la recherche.

Les facultés étonnantes des navettes sans conducteur fabriquées par Navya ou Easymile laissent en effet entrevoir comme possible un monde sans chauffeur. Beaucoup d’acteurs du transport urbain en rêvent secrètement. A commencer par les opérateurs, autrement dit ceux qui paient les machinistes. « Quand on sait que la main-d’œuvre représente 60 % du coût d’exploitation d’une ligne, forcément, c’est un but à terme », glisse un cadre de l’un des groupes français majeurs du secteur.

Sauf que, pour le moment, la réglementation routière est claire : sur la voie publique, tout véhicule doit être contrôlé par un humain. D’ailleurs, les navettes qui rouleront dans le quartier de la Confluence à Lyon samedi 3 septembre ont non seulement besoin d’une dérogation du ministère de l’environnement pour circuler mais, en plus, elles n’auront pas le droit de fonctionner sans un employé chargé de prendre les commandes en cas de problème.

« Complémentaires de nos offres existantes »

Cela n’empêche pas les industriels traditionnels du bus de multiplier les tests. Mi-juillet, Mercedes a fait rouler un car autonome entre l’aéroport d’Amsterdam et la ville de Haarlem. Sur un trajet de plus de 20 kilomètres comportant des tunnels et des feux tricolores, le chauffeur n’a rien eu d’autre à faire que de regarder son véhicule se conduire tout seul. La RATP mène avec Iveco un essai de « garage intelligent ». L’idée est de tester des autobus munis de capteurs qui procèdent aux manœuvres de stationnement sans intervention humaine.

Richard Jaubert, responsable de la branche transport urbain à la CGT, s’en désole. « C’est scandaleux. La spirale infernale de la déshumanisation des transports va continuer de provoquer des dégâts. Les usagers ont besoin exactement du contraire : ils réclament plus de service, plus de sécurité, plus de personnel. »

« Nos projets de véhicule autonome sont complémentaires de nos offres existantes et n’auraient donc pas d’impact sur les emplois des machinistes, assure Nathalie Leboucher, directrice de la stratégie et de l’innovation à la RATP. Nos personnels assurent par ailleurs un service aux voyageurs qui va au-delà de la conduite. » « Le fait de rassembler plusieurs personnes dans un minibus de jour mais aussi de nuit implique une responsabilité, ajoute Yann Leriche, directeur de la performance de l’opérateur de transport français Transdev. Nos premiers tests semblent montrer que des points de contact humains sont nécessaires pour rendre un service le plus efficace possible. »

Le coût actuel d’un minibus autonome – 200 000 euros pour transporter une douzaine de passagers – rend le bus avec chauffeur encore compétitif. Pour combien de temps ? Les spécialistes du marché prédisent une baisse du prix de 40 % d’ici un an.