En l’état actuel du monde, le sommet du G20, qui a lieu les dimanche 4 et lundi 5 septembre à Hangzhou en Chine, s’annonce une affaire des plus sérieuses en termes de sécurité, de logistique et de protocole : y sont attendus pas moins d’une quarantaine de chefs d’Etat, dont beaucoup sont au cœur des enjeux géopolitiques du moment.

S’y croiseront le président américain, Barack Obama, le président russe, Vladimir Poutine, le président turc, Recep Tayyip Erdogan et le vice-prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed Ben Salman. Ainsi que le président de la République, François Hollande, la chancelière allemande, Angela Merkel, la première ministre britannique, Theresa May, et les dirigeants des grandes économies européennes. Pour l’Asie, l’Indien Narendra Modi et le Japonais Shinzo Abe sont du voyage. Une poignée d’autres dirigeants invités, mais dont les pays ne sont pas membres du G20, viendront compléter la photo de groupe – dont l’Egyptien Abdel-Fattah Al-Sissi.

  • Hangzhou, sommet hautement sécurisé

Autant dire que la Chine n’a rien laissé au hasard. Les efforts considérables déployés pour sécuriser Hangzhou, ville de 7 millions d’habitants, l’un des premiers sites touristiques du pays et fief du président chinois, Xi Jinping, avant son ascension vers le pouvoir, laissent pantois : des millions de résidents ont été envoyés en vacances, souvent aux frais de leur employeur. Avec leurs larges avenues presque vides, les quartiers de tours autour du site du G20, loti dans un gigantesque centre d’exposition flambant neuf, semblent une ville fantôme.

Les policiers et le personnel préposé à la surveillance et aux contrôles de sécurité sont partout. Les dissidents et les pétitionnaires de tout acabit ont été « invités à voyager » – emmenés par la police secrète à l’extérieur.

Nul smog ne viendra brouiller la vue des grands de ce monde – des milliers d’usines ont dû fermer – alors que Chine et les Etats-Unis doivent annoncer, ce week-end, leur projet de passer mutuellement en revue leurs subventions aux énergies fossiles en même temps que leur ratification des accords de la COP21.

Enfin, Hangzhou, célébrée comme la « Silicon Valley chinoise », offre aux invités du G20 et aux journalistes accrédités l’expérience rare d’une Chine où il est possible d’accéder à Google, à Facebook et à Twitter. La « grande muraille virtuelle » qui en bloque l’accès partout ailleurs dans le pays, a été temporairement levée dans les hôtels et les sites clés.

  • Les traditionnelles discussions économiques

Créé en 1999, le G20 est devenu, depuis la fin des années 2000 et la crise financière, l’arène phare pour discuter des grands dossiers économiques, car elle intègre les grands absents du sommet du G8 – le sommet des pays les plus industrialisés –, c’est-à-dire les « émergents ». Le G20 regroupe dix-neuf des plus grandes économies mondiales ainsi que l’Union européenne (UE). Les rencontres entre chefs d’Etat ont débuté en 2008, sous la présidence française, à l’initiative de Nicolas Sarkozy.

Cette année, les grands de ce monde parleront en particulier de lutte contre les paradis fiscaux et de la taxation des multinationales. Ils deviseront également de la croissance, à l’heure où les émergents sont à la peine, les pays industrialisés devant quant à eux se contenter d’une fragile reprise, sans être à l’abri de certains chocs, comme la sortie du Royaume-Uni de l’UE. L’économie numérique devrait enfin guider leur discussion.

  • La crise syrienne et le terrorisme à l’agenda

Si le dossier du terrorisme s’est invité au sommet du G20 à Antalya (Turquie) les 14 et 15 novembre 2015 en raison des attentats à Paris, il sera encore très présent cette année – la lutte contre son financement fait partie de l’ordre du jour du G20 à Hangzhou. Surtout, une série d’entretiens seront consacrés à la guerre en Syrie, en marge des séances plénières.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, dont ce sera la première sortie à ce niveau depuis le coup d’Etat manqué du 15 juillet, doit rencontrer ses homologues américain, Barack Obama, et russe, Vladimir Poutine. Son armée est depuis dix jours engagée directement sur le territoire syrien, où elle s’oppose non seulement à l’organisation Etat islamique (EI), mais aussi aux forces kurdes alliées à la coalition internationale contre les djihadistes. M. Erdogan verra aussi François Hollande et les dirigeants allemand et italien, Angela Merkel et Matteo Renzi.

Une rencontre entre M. Obama et le président russe est « hautement probable », dixit Moscou, sur le dossier syrien. Les deux pays sont toujours à la recherche d’un accord de coopération pour mettre fin aux hostilités à la suite des discussions menées fin août à Genève (Suisse) entre les équipes de négociateurs des deux diplomaties.

M. Poutine s’entretiendra par ailleurs séparément avec M. Hollande et avec Mme Merkel au sujet des sanctions européennes et des tensions en Ukraine. Le président français rencontrera plusieurs de ses homologues (MM. Erdogan, Sissi, Poutine et Salman) et aura droit à un dîner de travail avec Xi Jinping en clôture de l’événement, lundi.

  • Les arrière-pensées chinoises

La Chine veut faire du sommet une sorte de vitrine de son influence internationale, à un moment où son affirmation suscite toutes formes de réserves. Chef de file des « BRICS » – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud –, Pékin a multiplié ces dernières années les initiatives pour davantage peser dans l’ordre économique mondial, avec des innovations institutionnelles comme la Nouvelle Banque de développement des BRICS et surtout la Banque asiatique d’investissements pour les infrastructures.

A Hangzhou, la Chine veut promouvoir son modèle de gouvernance, en dépit des difficultés qui se sont abattues sur les BRICS – le Brésil et la Russie traversent une très mauvaise passe économique. Et avec ses + 6,7 % de croissance au premier semestre, l’économie chinoise est guettée par une accumulation de créances irrécouvrables.

En outre, le pays a vu son image un peu plus écornée dans la région par ses prises d’îlots dans les mers de Chine du Sud et le jugement très défavorable à son égard de la Cour d’arbitrage de La Haye en juillet.

Il est urgent pour Pékin d’affirmer sa capacité d’entraînement sur le terrain de la gouvernance économique, notamment face à l’accord de Partenariat transpacifique américain dont les jours sont peut-être comptés dans sa forme actuelle en raison du rejet qu’il suscite chez les deux candidats à la présidentielle américaine de novembre.

La Chine et ses hôtes vont enfin confronter leurs points de vue au sujet du projet d’installation de batteries antimissiles américaines en Corée du Sud. L’initiative continue d’irriter Pékin au plus haut point. La présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, a promis d’expliquer la position de son pays au président Xi lors de leur tête-à-tête.