Nicolas Sarkozy, le 24 août à Boulogne-Billancourt. | Michel Euler / AP

Le parquet de Paris souhaite que l’ancien chef de l’Etat Nicolas Sarkozy soit jugé en correctionnelle pour son rôle dans l’affaire Bygmalion, ainsi que treize autres mis en examen, parmi lesquels plusieurs hauts cadres de l’ancienne UMP. Les responsables de la campagne de l’ex-chef de l’Etat pour la présidentielle de 2012 sont accusés d’avoir mis en place un système de fausses factures avec certains de leurs prestataires pour masquer d’importants dépassements des dépenses de campagne.

Dans un réquisitoire signé le 30 août et dont Le Monde a eu connaissance, le ministère public explique que la responsabilité de l’ancien chef de l’Etat est « pleinement engagée du chef de financement illégal de campagne car il était démontré qu’il avait donné, en connaissance de cause, des instructions en faveur d’une augmentation des dépenses, au mépris des recommandations contraires des experts comptables ».

L’ancien président n’a donc pas convaincu les magistrats du parquet. « Sur le plan de ce seul délit [financement illégal de campagne électorale], les dénégations de l’intéressé constituaient le seul véritable élément à décharge », note le réquisitoire. L’ancien président avait été mis en examen de ce chef en février.

Il avait bénéficié du statut de témoin assisté des chefs d’usage de faux, escroquerie et abus de confiance, l’enquête n’ayant pas permis de démontrer qu’il aurait donné l’ordre de cacher certains de ses frais de campagne ou qu’il ait été informé d’une fausse comptabilité. Si le parquet ne requiert pas son renvoi au tribunal pour ces motifs faute de preuves, le réquisitoire précise que « compte tenu de sa formation et de sa très grande expérience en matière de campagne électorale, il était logique d’estimer que sa seule connaissance du dépassement du plafond de dépenses impliquait la connaissance de l’usage de moyens frauduleux inhérents à une telle dissimulation ». Une « conviction qui n’était pas suffisament établie sur le plan probatoire », ajoute le ministère public.

« Principal donneur d’ordres »

Toujours est-il que le parquet a considéré au vu des investigations menées par les juges d’instruction depuis l’année 2014 que « Nicolas Sarkozy avait exercé une autorité incontestable sur de multiples aspects matériels de la campagne ». Les dénégations de l’ancien président devant les juges n’ont donc pas convaincu le parquet, qui considère qu’il « était le premier bénéficiaire et le principal donneur d’ordre des événements, puisqu’il était le décideur final de leurs éléments essentiels ».

C’est notamment une note datée du 7 mars 2012 rédigée par l’un des experts comptables et adressée à Guillaume Lambert, alors directeur de la campagne de Nicolas Sarkozy, qui a motivé les réquisitions. Celle-ci alertait sur les dépenses déjà engagées en demandant de les limiter. Or, devant les magistrats, M. Lambert a affirmé qu’il avait porté cette note à la connaissance de Nicolas Sarkozy. « Je n’ai aucun souvenir de cette note », avait affirmé ce dernier dans un premier temps, avant de reconnaître plus tard que c’était « plausible ».

« Certes, ajoute le parquet, Nicolas sarkozy occupait au moment des faits des fonctions qui lui interdisaient d’être régulièrement informé dans le détail des questions budgétaires. Cependant, ses éminentes responsabilités politiques ne pouvaient effacer celles du candidat qu’il était également et ne l’autorisaient donc pas à s’abstenir de suivre effectivement l’évolution de ses dépenses ».

Responsabilité du candidat

Si M. Sarkozy a indiqué à plusieurs reprises pendant l’instruction qu’il avait délégué à autrui tout ce qui relevait du suivi des dépenses, le parquet rappelle qu’il « n’en avait pas le droit car le texte pénal applicable ne l’est qu’à lui seul puisqu’il vise le candidat ».

Pour le parquet, c’est donc « en connaissance de cause puisque sachant dès la mi-mars que le plafond de dépenses était dépassé au regard des engagements pris à cette date » que le candidat Sarkozy a permis l’organisation des 44 meetings qui ont eu lieu postérieurement à la fameuse note du 7 mars. Il appartient désormais aux magistrats instructeurs de suivre ou non ces réquisitions.

Dans un communiqué transmis à l’AFP, l’avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog, a affirmé qu’il s’agissait « d’une nouvelle manœuvre politique grossière qui ne résistera pas davantage que les autres à l’examen des faits » en évoquant une « affaire où les deux années d’enquête ont démontré son absence totale d’implication dans des faits présumés délictueux ».