Sans doute a-t-il voulu tenter le diable, quand, au mois d’août, un blogueur russe a décidé de se filmer dans une cathédrale d’Ekaterinbourg, en Oural, en train de jouer à Pokémon Go. Interpellé, Rouslan Sokolovski, 21 ans, a été présenté devant un juge samedi 3 septembre, pour une audience à huis clos à l’issue de laquelle il a été expédié pour deux mois en détention préventive. Le jeune homme encourt désormais jusqu’à cinq ans de prison pour « extrémisme » et « violation des sentiments des croyants », selon le code pénal russe.

Rouslan Sokovolski connaissait la loi. « Pour moi, c’est une absurdité totale. Comment peut-on violer les sentiments des croyants en marchant avec son smartphone dans une église ? », raconte-t-il dans sa vidéo, déjà visionnée par près d’1 million de personnes. Ni une, ni deux, il avait alors fait route, toujours filmé, vers la « cathédrale de tous les saints », puis s’y était promené en tentant de capturer les fameux Pokémons.

« Je n’ai pas pu attraper Jésus »

Sorti à peine un mois plus tôt, le jeu, qui connaît un succès mondial fulgurant, s’est mis à résonner sous les dorures des icônes. « J’ai l’impression que je ne suis pas le premier... », déclarait-il avant de tourner les talons, non sans avoir diffusé au passage, sur un air liturgique, une chanson commençant par « Nique ta mère... ». A la sortie, le provocateur ajoutait ce dernier commentaire : « Personne ne m’a empêché mais je n’ai pas pu attraper le Pokémon le plus rare, Jésus, mais certains disent qu’il n’existe pas... »

L’Eglise orthodoxe russe a peu goûté l’initiative. Faisant toutefois preuve de clémence, le métropolite d’Ekaterinbourg, Kirill, s’est prononcé pour la remise en liberté de l’indélicat, à condition que ce dernier se repente en participant à une œuvre charitable. Aux dires de visiteurs de prison qui ont pu le voir, Rouslan Sokolovksi ne serait pas contre, bien qu’il n’en soit pas, en matière de provocation, à son coup d’essai.

« Une adaptation de Charlie Hebdo »

Militant athéiste revendiqué, le jeune Russe a créé, il y peu, une chaîne YouTube pour diffuser ses idées, puis une revue Sokolovski !, sous-titrée : « Rien n’est sacré ». Le 20 février, dans quelques entretiens diffusés sur Internet, il avait clairement revendiqué une filiation avec Charlie Hebdo. « C’est une adaptation de Charlie Hebdo aux réalités russes. Nous sommes absolument amoraux et sans aucune censure, on se moque de tout », claironnait-il alors.

Son pari était risqué. Le journal satirique français avait été qualifié d’« infâme » à Moscou pour avoir caricaturé l’attentat – revendiqué par l’organisation Etat islamique – contre un avion de touristes russes au-dessus de l’Egypte, le 31 octobre 2015. Les lois russes, qui condamnent le blasphème, et surtout leur application, n’ont cessé, depuis, d’être renforcées.