Le jeune leader de 23 ans du parti Demosisto, Nathan Law, célèbre sa victoire aux élections législatives de Hongkong, le 3 septembre. | Kin Cheung / AP

C’est un Parlement rajeuni et ragaillardi qui va entrer en fonction à Hongkong à l’issue des élections législatives de dimanche 4 septembre. Au moins quatre jeunes « soldats des parapluies », politisés par le mouvement de révolte citoyenne de l’automne 2014, vont faire leur entrée dans l’hémicycle hongkongais où l’opposition pro-démocratie a réussi à se maintenir.

Au total, 2,2 millions de Hongkongais se sont déplacés, soit un taux de participation de 58 %, contre 53 % en 2012 et 45 % en 2008. Passé 22 h 30 dimanche, heure à laquelle les 560 bureaux de vote de Hongkong étaient censés fermer, plusieurs centaines d’électeurs faisaient encore la queue devant certains bureaux de vote de l’ancienne colonie britannique. Le comptage s’est poursuivi tout au long de la journée de lundi.

L’opposition traditionnelle se maintien

Cette forte mobilisation, notamment des jeunes électeurs de la région administrative spéciale, est le premier message de ces élections. « Pour nous qui sommes nés dans les années 1990, les trente prochaines années seront décisives. Or, ce que deviendra Hongkong après 2047 [à la fin des cinquante années d’autonomie négociées en amont de la rétrocession à la Chine en 1997] dépend de ce que nous décidons aujourd’hui », déclarait Jessica Lau, étudiante de 21 ans à la sortie d’un bureau de vote de l’île dimanche soir.

Pour l’opposition traditionnelle, le camp dit pan-démocrate, la principale victoire est d’avoir réussi à conserver sa minorité de blocage. Quelques caciques ont pourtant été éliminés. Le Labour Party, un des piliers du front d’opposition, a notamment perdu deux de ses trois sièges, occupés par des figures de la vie politique hongkongaise, Lee Cheuk-Yan et Cyd Ho. Et le député de la Ligue social-démocrate, emblématique de toutes les rébellions au sein du parlement, Leung Kwok-hung, surnommé « Long Hair », semblait également menacé de perdre son siège.

Le départ de ces vétérans va mettre d’autant plus en valeur l’arrivée de jeunes visages. Car cette élection confirme avant tout l’émergence dans la vie politique d’une nouvelle génération, déterminée à se faire entendre face à Pékin. Nathan Law, 23 ans, tête de file du jeune parti Demosisto, a détrôné un député célèbre et puissant, le patron de télévision Ricky Wong, du Parti libéral (pro-Pékin). Le jeune homme s’est déclaré « heureux mais nerveux, au seuil d’une nouvelle étape ». Son parti propose d’organiser un grand référendum d’autodétermination d’ici dix ans, un projet totalement inacceptable pour le gouvernement chinois

L’activiste écologiste Chu Hoi-dick, 38 ans, a également surpris tout le monde – y compris lui-même – en remportant le plus grand nombre de voix de sa circonscription, les Nouveaux Territoires Ouest. « Les résultats indiquent que le mouvement démocratique doit se remettre en cause de manière radicale », a déclaré le nouveau député.

Soupçons de bourrage d’urnes

Autre entrée de choc au parlement, la jeune radicale du nouveau parti dit localiste Youngspiration, Yau Wai-ching, 25 ans. Le leader de ce parti, Baggio Leung, 30 ans, qui n’a jamais caché ses penchants indépendantistes, devrait lui aussi être élu. Plusieurs candidats radicaux disqualifiés de cette élection par une nouvelle règle, imposant aux candidats de reconnaître que Hongkong est une partie inaliénable de la Chine, avaient appelé à voter pour Youngspiration.

Le camp démocrate a également maintenu sa majorité symbolique sur les 40 sièges du parlement soumis à un vote ouvert. Il s’agit des 35 sièges de circonscriptions et de cinq « super-sièges » ajoutés à l’issue d’une réforme en 2010 et pour lesquels tous les Hongkongais peuvent voter, en opposition aux 30 autres sièges, dits « fonctionnels » car réservés à certains secteurs de la société. Ces derniers garantissent une majorité aux personnalités pro-Pékin. Le député qui siège en tant que représentant de l’agriculture et de la pêche n’est ainsi élu que par 154 personnes. Douze de ces sièges « fonctionnels » sont d’ailleurs restés aux députés sortants, faute de rivaux. L’opposition a toutefois réussi à garder les quatre sièges fonctionnels qu’elle occupait et en gagner un de plus.

Plusieurs soupçons de bourrage d’urnes ou de manipulations ont cependant fait surface alors que le dépouillement se prolongeait. Un candidat du jeune parti Youngspiration, Sixtus Leung, a indiqué à RTHK (Radio Television Hongkong) qu’au bureau de vote de Tseung Kwan O, 6 000 bulletins de vote avaient été attribués alors que les urnes en avaient retourné 6 300.

Pour beaucoup d’observateurs, Pékin attendait les résultats de ces élections pour décider de sa stratégie pour la prochaine échéance politique, l’élection du chef de l’exécutif qui doit avoir lieu au printemps 2017. Mardi 30 août, l’un des plus anciens journaux de Hongkong, le Singpao, pourtant « pro-Pékin », est allé jusqu’à soupçonner l’actuel chef de l’exécutif, Leung Chun-ying, d’attiser le feu de la nouvelle dissidence politique, plus radicale, afin d’inciter Pékin à lui donner un second mandat. Plus la situation serait considérée menaçante, plus le pouvoir chinois serait tenté de maintenir un « dur » à la tête de la région administrative spéciale.