Un soldat syrien surveille les quartiers sud d’Alep, le 4 septembre. | GEORGE OURFALIAN / AFP

Les quartiers rebelles d’Alep sont de nouveau en état de siège. En reprenant, dimanche 4 septembre, plusieurs positions perdues au sud-ouest de l’ancienne capitale économique de la Syrie, l’armée et les forces qui lui sont alliées ont fermé le fragile corridor que les combattants opposés à Bachar Al-Assad avaient arraché début août. L’appui aérien des forces russes a été décisif dans cette opération. Si le terrain d’Alep, dans le nord de la Syrie, reste mouvant, marqué par les retournements depuis juin, l’avancée de dimanche est un succès pour les forces du régime.

L’unique route permettant l’accès aux faubourgs rebelles d’Alep, ville divisée en deux depuis 2012, a été fermée sur fond à la fois d’opérations turques dans le nord de la Syrie et de négociations houleuses entre Moscou, pilier du régime, et Washington, l’un des parrains de la rébellion. Depuis février, la Russie a pesé sur la situation militaire à Alep, pour obtenir des dividendes diplomatiques, et les dernières avancées pourraient à nouveau servir ses intérêts. La reconquête de l’est d’Alep est également un objectif proclamé du pouvoir syrien depuis des mois.

Selon des sites prorégime, les combattants des troupes d’élite syriennes du colonel Souheil Al-Hassan, ainsi que les miliciens du Hezbollah, jouent un rôle majeur dans les combats au sol face aux insurgés de la coalition Jaich Al-Fatah (« Armée de la conquête »). Cette alliance de factions radicales est dominée par les djihadistes du Front Fatah Al-Cham, l’ancien Front Al-Nosra, affilié à Al-Qaida.

« Daraya est un domino.
Après, les autres tomberont »

S’ils se consolident, les gains immédiats engrangés près d’Alep pourraient regonfler le moral du camp loyaliste. Un nouvel élan d’optimisme anime ses rangs depuis la chute de Daraya, fin août, perçue comme un moment clé tant par les soutiens de Bachar Al-Assad que par l’opposition. Proche de Damas, ce bastion emblématique de la rébellion, assiégé pendant quatre ans par l’armée, a été vidé de ses combattants à court de munitions et des derniers civils restés sur place, épuisés par la détérioration de la situation humanitaire, au terme d’un accord local dont les conditions ont été imposées par le régime.

La chute de Daraya a été un revers militaire et psychologique de taille pour les insurgés, abandonnés par leurs pairs rebelles du Front du Sud. Mais, au-delà, le régime entend mener à son terme son implacable stratégie d’encerclement pour reprendre, sur le territoire qu’il domine, les poches tenues par les insurgés et obtenir leur reddition. « Daraya est un domino et, après cela, les autres tomberont », a déclaré il y a quelques jours le ministre de la réconciliation nationale, Ali Haidar. La sécurisation des environs de Damas et du centre du pays semble être la priorité.

Sourdes aux appels des Nations unies à ne pas faire de Daraya un précédent à d’autres évacuations forcées, les autorités sont résolues à dicter de nouveaux accords locaux. Dans ce cadre, des départs ont déjà eu lieu, vendredi 2 septembre, de Mouadamiyat, proche de la capitale. Dans cette bourgade encerclée vivent encore quelque 35 000 personnes. « Il est plus approprié de parler de contacts que de négociations au sujet de Mouadamiyat, affirme Dani Qappani, un jeune militant de la ville. Ni les rebelles ni les activistes locaux n’ont été en position d’avancer leurs conditions. Les modalités restent encore floues, mais d’autres départs doivent suivre dans les prochains jours. »

D’autres villes assiégées sont soumises à des pressions croissantes. Il s’agit de Madaya, dans la province de Damas ; sa proximité avec la frontière libanaise en fait une cible stratégique pour le Hezbollah, dont les combattants participent au verrouillage de la localité. Le district d’Al-Waer, dernier bastion rebelle à Homs (centre), est également dans la ligne de mire du régime.

La « Syrie utile »

Ces différentes poches se situent dans la « Syrie utile » – qui comprend notamment la côte, le centre et Damas –, un concept qui, cependant, n’appartient pas à la terminologie du pouvoir. « On voit en réalité sur le terrain se dessiner avec netteté la stratégie promue par les Iraniens auprès de Damas : se concentrer sur la reprise ou le contrôle des villes importantes », note Randa Slim, chercheuse au Middle East Institute à Washington. En se délestant, par des « accords », de plusieurs fronts, le régime escompte aussi avoir les coudées franches pour remobiliser ses soldats sur d’autres terrains, comme la région de Hama, en proie à de violents combats, ou celle d’Alep.

Le cycle qui semble s’être ouvert avec la chute de Daraya risque de fragiliser davantage les groupes rebelles nationalistes, au profit de formations répondant à des dynamiques régionales, concentrées dans le nord de la Syrie « et de plus en plus dominés par les djihadistes et les islamistes du Nord », écrit le journaliste et expert Sam Heller dans une publication de la Century Foundation. C’est essentiellement entre ces brigades et l’armée, ainsi que ses supplétifs, que la bataille d’Alep, où les chances d’un accord entre Moscou et Washington paraissent au point mort, va se poursuivre.