Le nombre d’abonnés aux comptes de nationalistes blancs a augmenté de plus de 600 % depuis 2012. | ? Kacper Pempel / Reuters / REUTERS

« Aujourd’hui, les mouvements nationalistes blancs surpassent l’Etat islamique dans quasiment tous les indicateurs des réseaux sociaux, du nombre de followers au nombre de tweets par jour. » Après avoir étudié sur quatre ans des milliers de comptes Twitter de nationalistes blancs, néonazis et sympathisants de l’organisation Etat islamique (EI), les conclusions de J. M. Berger, chercheur à l’université George Washington, sont sans appel : le succès de l’EI sur ce réseau social est à relativiser au regard de l’influence grandissante des deux autres groupes extrémistes analysés.

Selon cette étude publiée début septembre, les comptes néonazis rassemblent aujourd’hui 22 fois plus d’abonnés que les comptes djihadistes. Ils tweetent également deux fois plus que les sympathisants de l’EI, dont le rythme en 2016 est évalué à 5,7 tweets par jour. Le chercheur, qui participe à un programme consacré à l’extrémisme, souligne le boom impressionnant de la communauté des nationalistes blancs sur Twitter, dont le nombre d’abonnés a augmenté de plus de 600 % depuis 2012.

Les comptes de l’EI désactivés

Ce décalage n’a toutefois pas toujours été vrai. En 2014, alors que la présence de l’EI sur Twitter était « à son apogée », selon le chercheur, ses sympathisants tweetaient en moyenne 15,6 fois par jour, soit plus que les nationalistes blancs et les néonazis. Mais, comme le rappelle M. Berger, « la performance du réseau de l’EI varie de façon impressionnante d’un jour à l’autre », en raison de « la lourde pression » de Twitter, qui tente de supprimer massivement ces comptes. En août, le réseau social avait ainsi affirmé avoir désactivé 360 000 comptes de propagande terroriste depuis mi-2015.

« A l’inverse, les nationalistes blancs et les nazis opèrent dans une relative impunité », assure le chercheur, en détaillant ses observations :

« Trois comptes de nationalistes blancs et quatre comptes nazis ont été suspendus durant la collecte de données, et une poignée d’autres dans les jours qui ont suivi (…). Environ 1 100 comptes de l’Etat islamique ont été suspendus pendant la collecte et immédiatement après. »

Cela expliquerait, selon lui, le déclin de l’EI sur ce réseau social. La bonne santé des néonazis et des nationalistes blancs serait quant à elle le résultat « d’un militantisme organisé sur les réseaux sociaux, d’une augmentation naturelle de l’adoption des réseaux sociaux par les personnes intéressées par le nationalisme blanc et, dans une certaine mesure, de l’émergence de communautés de trolls dont le but est d’inonder des réseaux sociaux de contenus négatifs ».

La stratégie « plus centralisée » de l’EI

Le chercheur donne une autre explication à la prédominance de ces groupes par rapport à l’EI :

« Il est probable qu’il y ait simplement plus de nationalistes blancs et de sympathisants nazis en ligne et hors ligne qu’il n’y a de sympathisants de l’EI dans le monde. l’EI domine les discours politiques sur l’extrémisme violent en ligne, (…) mais d’autres groupes extrémistes jouissent d’une meilleure réussite à bâtir une large audience. »

Le thème de discussion le plus populaire parmi les nationalistes blancs et néonazis serait le « génocide blanc », une théorie selon laquelle l’immigration et l’avortement auraient pour but de mettre fin à la « race blanche ». En deuxième position arrive Donald Trump, le candidat républicain à l’élection présidentielle américaine.

M. Berger tient toutefois à souligner que les méthodes des deux courants sur Twitter sont très différentes. La stratégie de l’EI lui apparaît « plus centralisée », avec des « lignes de conduite » claires proposées aux sympathisants, qui se montrent « plus disciplinés ». Là où la spère des néonazis et des nationalistes blancs est composée de communautés plus « fragmentées ». Ayant pour objectif de recruter, l’EI ferait davantage d’efforts pour « créer un environnement accueillant pour de potentielles recrues », tandis que les autres consacrent « une partie significative de leur contenu à troller les utilisateurs considérés comme “anti-blancs” ».