Victor Marco

Dans le cadre du projet de loi Egalité et citoyenneté, les députés ont adopté en première lecture, le 17 juin, un amendement stipulant que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou ­refusé de subir des faits de bizutage (…) ou témoigné de tels faits ».

Lors de la discussion de cet amendement, le diagnostic suivant a été établi : « La clarification du cadre législatif prohibant le bizutage depuis 1998 ainsi que les actions des établissements et du ministère chargé de l’enseignement supérieur pour prévenir les dérives ont permis de faire reculer le bizutage dans la plupart des établissements d’enseignement supérieur. Mais (…) des dérives continuent d’exister, lors de week-ends d’intégration. »

Marie-France Henry, présidente du Comité national contre le bizutage, juge dangereux ces week-ends organisés hors du campus. « En dehors de l’établissement existe cette dimension de “pas vu, pas pris”. L’idée de transgression domine, avec l’alcool comme acteur omniprésent », estime-t-elle.

La plupart des acteurs s’accordent cependant à considérer que ces week-ends ne doivent pas être interdits. « C’est un sujet que nous regardons, dit-on au ministère de l’éducation et de l’enseignement supérieur, mais on ne peut nier l’importance de la vie ­sociale étudiante. Elle permet à des jeunes isolés de faire connaissance. » La Conférence des grandes écoles (CGE) met également en avant le rôle de ces journées pour créer un « esprit de promo et les conditions pour que des jeunes se soutiennent au cours des années à venir ». Plutôt que de songer à les interdire, mieux vaut les « préparer en bonne intelligence avec le bureau des élèves et l’administration ». Et pour Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d’université, « aux ­dérives locales doivent être trouvées des réponses locales appropriées ».

Lire entre les lignes

En 2011, un rapport préconisait une demande d’autorisation préalable auprès des mairies et préfectures concernées pour ces périodes d’intégration, à l’instar de ce qui se fait pour les rave parties. Au ministère, on souligne que, si la possibilité est « étudiée », elle induit des « contraintes juridiques ». Une chose est sûre : « Les établissements ne doivent pas être étrangers à la vie étudiante même si celle-ci se déroule hors de leurs murs. » De son côté, l’Union ­nationale des étudiants de France, principal syndicat étudiant, déplore « la passivité de l’administration qui exerce peu de contrôle sur l’organisation de ces week-ends ». Au ministère, on insiste sur trois axes d’intervention : « La prévention, la responsabilisation et la sanction des dérives ».

Marie-France Henry invite les nouveaux étudiants à lire entre les ­lignes : « Si une invitation à un week-end d’intégration précise qu’il faut emporter des vêtements peu fragiles, posez-vous des questions. » Pour le psychiatre Samuel Lepastier, en cas de doute, il convient de garder à l’esprit un principe : « Une fête n’est ­jamais obligatoire. On peut toujours dire non. D’autant que, si les anciens élèves se remémorent volontiers les bons souvenirs liés à leurs études, ­paradoxalement, le bizutage, lui, est rarement évoqué… »

Cet article figure dans un supplément de huit pages consacré à la vie étudiante, publié dans Le Monde daté du jeudi 8 septembre 2016.