Yannick Noah, le 17 juillet 2016, lors du quart de finale face à la République tchèque. | MICHAL CIZEK / AFP

La Serbie de Novak Djokovic n’est plus dans le tournoi. Pas de trace non plus de l’Espagne de Rafael Nadal ni de la Suisse de Roger Federer et Stan Wawrinka : si l’on se fie au principe universel selon lequel quand le chat n’est pas là les souris dansent, alors c’est l’année ou jamais en Coupe Davis pour l’équipe de France et ses « mousquetaires des temps modernes », ces joueurs si talentueux au palmarès si léger.

Sauf que, conformément à cet autre principe universel selon lequel rien ne se passe jamais comme prévu, la route vers un premier saladier d’argent depuis 2001 s’est légèrement corsée ces derniers jours, et Yannick Noah a dû faire du bricolage avant la demi-finale face à la Croatie, qui débute vendredi à Zadar, sur la jolie côte dalmate. Jo-Wilfried Tsonga, quart-de-finaliste du dernier US Open, et Gaël Monfils, demi-finaliste, ont déclaré forfait. Revoilà donc Richard Gasquet, qui a, lui, été balayé au premier tour par le 84e mondial, le Britannique Kyle Edmund (6-2, 6-3, 6-3).

Le Bitterois, blessé à Wimbledon début juillet, n’a disputé que six matchs depuis, il n’en a remporté que trois, et uniquement contre des joueurs hors du top 50. C’est peu dire qu’il n’avait pas prévu de jouer ce week-end. « Il y a dix jours, quand je l’ai appelé en lui disant qu’il allait peut-être être remplaçant, déjà, il y croyait pas, raconte Noah. Et maintenant il est numéro 1. [Mardi], il s’entraînait comme sparring-parter, et [mercredi] après-midi : “Putaing, je suis numéro ung quoi, cong !” C’est pas pareil. »

Duel d’éclopés

« C’est le charme de la Coupe Davis, sourit l’intéressé, 30 ans, numéro 17 mondial. Je n’étais pas dans l’équipe il y a une semaine, puis j’étais cinquième, et là je me retrouve à jouer vendredi à 14 heures. C’est sûr que ça change. On est toujours mieux quand on a fait quart ou demie de l’US Open, je ne vais pas dire le contraire, mais c’est la Coupe Davis, j’ai l’expérience et je sais que je peux faire un grand match. Je me sens prêt. Je n’ai plus de douleur. Je suis à 100 % physiquement. »

On n’est pas obligé de croire « Richie », dont la chance est peut-être que son premier adversaire a, lui aussi, connu des jours meilleurs. Borna Coric, 42e mondial, a démontré cette saison que ses nerfs d’ado de 19 ans étaient solides, en remportant le point décisif au premier tour (en Belgique) puis en quarts de finale (aux Etats-Unis). Mais il a le genou qui couine depuis l’US Open, qu’il a quitté sur abandon dès le premier set du premier tour, et son état de forme suscite le doute. On peut parier que, dans cette rencontre entre éclopés, le premier qui explosera physiquement aura perdu.

La suivante, fort alléchante, opposera dans la foulée le numéro 1 croate, Marin Cilic, au numéro-2-qui-est-de-fait-le-numéro-1 français, Lucas Pouille. Le jeune Nordiste, 18e mondial à 22 ans, vient de battre Nadal en huitièmes de finale à l’US Open. Alors il devrait être capable de résister à Cilic (27 ans, n° 11), qui compte treize titres du Grand Chelem de moins que l’Espagnol, c’est-à-dire un de plus, tout de même, que tous les joueurs français réunis.

« Cilic est un joueur capable de battre les tout meilleurs, décrit Yannick Noah. Il a fait un très bon tournoi de Cincinnati [fin août] où il bat Murray en finale, et puis il perd au troisième tour de l’US Open [face à l’Américain Jack Sock]. C’est un joueur souvent capable du meilleur, mais qui a parfois des petites baisses de régime. Peut-être qu’on va pouvoir s’engouffrer dans ces baisses de régime. »

Ambiance à la croate

Pas sûr que les 7 500 spectateurs du Kresimir Cosic Hall, drôle de soucoupe volante posée dans le nord de la ville, laisseront leur champion subir le moindre coup de pompe. Comme toujours en Coupe Davis, c’est ce qui la distingue d’un tournoi normal, le public risque de jouer un rôle majeur, et particulièrement agité en l’occurrence, si les Croates sont fidèles à leur réputation – parlez-en aux handballeurs français, qui avaient remporté, face à la Croatie à Zagreb, la finale du championnat du monde 2009 sous une pluie de briquets et de pièces de monnaie.

« J’ai vécu des matchs, je ne sais pas si vous étiez nés, mais à l’époque, on avait peur pour nos vies, se souvient Yannick Noah, en faisant référence à la rencontre dans l’enfer d’Asuncion, au Paraguay, en 1985. Depuis, il y a eu des règlements, mais oui, ça peut être chaud. Ils sont intenses, les supporteurs croates. Alors on se prépare, on les a déjà entendus dans nos têtes. A mon avis, quand on va rentrer sur le court, on sera déjà dans un lieu connu, parce qu’on l’a déjà dans nos têtes, le bruit. On est prêts à affronter tout ça. »

La rencontre s’annonce palpitante, car parfaitement indécise. Tout peut être plié, dans un sens comme dans l’autre, samedi après-midi, à l’issue du double qui mettra aux prises la paire Mahut - Herbert au duo Cilic - Dodig. Tout peut se jouer dimanche soir lors d’un cinquième et dernier match bouillant entre Coric et Pouille. « C’est du 50-50 », résume ce dernier.

L’autre demi-finale de la Coupe Davis oppose, à Glasgow, la Grande-Bretagne d’Andy Murray, tenante du titre, à l’Argentine du revenant Juan Martin Del Potro – le choc entre ces deux-là, revanche de la finale des Jeux de Rio, aura lieu en même temps que Coric-Gasquet. Si finale il y a pour les Bleus (25-27 novembre), elle se déroulera quoi qu’il arrive en France.

LE PROGRAMME
Vendredi, à partir de 14 heures
Richard Gasquet - Borna Coric
Lucas Pouille - Marin Cilic

Samedi, à partir de 15 heures
Nicolas Mahut – Pierre-Hugues Herbert - Marin Cilic – Ivan Dodig

Dimanche, à partir de 14 heures
Richard Gasquet - Marin Cilic
Lucas Pouille - Borna Coric