Face aux accusations, l’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a contre-attaqué, jeudi 15 septembre. | NELSON ALMEIDA / AFP

Il y eut des rires, de la sueur et des larmes, jeudi 15 septembre. Au lendemain des graves accusations portées par le parquet, faisant de lui le « commandant suprême » d’un schéma de corruption tentaculaire impliquant le groupe pétrolier Petrobras et des géants du bâtiment et des travaux publics (TP), Luiz Inacio Lula da Silva a convoqué la presse à Sao Paulo pour faire entendre sa version. Acclamé par la foule au cri de « Lula guerreiro do povo brasileiro » (« Lula guerrier du peuple brésilien »), l’ex-métallo ne s’est pas présenté comme l’ancien président (2003-2010) mais comme un « citoyen indigné ».

Un homme à « la conscience tranquille », révolté contre les méthodes de la justice qui, obéissant, selon lui, à une élite conservatrice, chercherait une nouvelle fois à le faire disparaître du paysage politique. Lula et plus largement le Parti des travailleurs (PT, gauche). Le cœur au bord des larmes, le septuagénaire, père, grand-père et bientôt arrière-grand-père, a presque supplié les procureurs de tenir ses proches à l’écart de la tempête. « S’il vous plaît, respectez ma famille. » Luiz Inacio Lula da Silva et sa femme, Marisa Léticia, sont suspectés d’avoir bénéficié de 3,7 millions de reais (1 million d’euros) d’argent sale issu de pots-de-vin versé par l’entreprise de BTP OAS, par l’intermédiaire d’un triplex dans la station balnéaire de Guaruja, dans l’Etat de Sao Paulo. OAS est l’un des protagonistes du scandale de corruption lié à Petrobras mis au jour par l’opération « Lava-Jato »

« On a retiré le tapis qui cachait la corruption »

Pour sa défense, Lula le tribun a utilisé son meilleur argument : son passé. Celui d’un homme parti de rien, d’un enfant du Nordeste qui n’a pas toujours mangé à sa faim, d’un syndicaliste qui s’est battu pour la classe ouvrière jusqu’à monter sur la première marche du pouvoir afin de défendre les humbles et les moins que rien. Celui qui a redonné de la fierté aux pauvres, aux employés domestiques. Celui qui a considéré les dépenses d’éducation comme un investissement et non comme un coût, mais aussi celui qui a, dit-il, « respecté les institutions », permettant la mise en place de la loi sur la transparence : « On a retiré le tapis qui cachait la corruption. »

Essuyant tantôt un front humide tantôt des yeux rougis, Luiz Inacio Lula da Silva a déroulé la thèse d’une accusation montée de toutes pièces pour en finir avec ce Parti des travailleurs qui incommoderait la bourgeoisie. « Un mensonge » auquel on tenterait de donner des allures de vérité. Et la suite logique, à ses yeux, de la destitution, le 31 août, de la présidente (PT) Dilma Rousseff, après des accusations de manipulation comptable. Une destitution présentée par Luiz Inacio Lula da Silva comme un « coup d’Etat tranquille, pacifique ».

Lula, candidat à la présidentielle de 2018 ?

Entouré de caciques du PT, tels le président du parti, Rui Falcao, le maire de Sao Paulo, Fernando Haddad, ou l’ancien sénateur Eduardo Suplicy, l’ancien président a promis de se battre. Laissant entendre sa candidature à l’élection présidentielle de 2018, Lula, qui se décrit comme juste un peu moins populaire que Jésus Christ au Brésil, se donne encore vingt ans de vie pour parvenir à faire du Brésil « le pays dont il rêve ».

Les larmes et l’auréole présidentielle de Lula ne suffiront sans doute pas à convaincre les juges. A écouter le procureur Deltan Dallagnol, les indices s’accumulent et se recoupent contre l’ancien président. Pis, le « petrolao » comme est parfois désigné ce scandale, serait la suite du « mensalao », une autre affaire qui a mis à mal le PT en 2005, consistant à acheter les voix du congrès. Pour le procureur, l’objectif visé est identique : maintenir le PT au pouvoir en monnayant des alliances. S’y ajoute – désormais – un autre méfait, l’enrichissement personnel.

Mais si les soupçons frôlent dangereusement la figure la plus charismatique du PT, les preuves continuent de faire défaut. La présentation de M. Dallagnol et de son équipe a frappé les esprits en employant des mots accusatoires érigeant Luiz Inacio Lula da Silva en « grand général » ou en « chef d’orchestre » d’une opération « criminelle », mais il n’y eut guère de faits nouveaux. « Reste le sentiment que sans parvenir à présenter des preuves plus robustes contre Lula, le ministère public [équivalent du parquet français] tente de combler ses lacunes par la rhétorique », écrivait jeudi l’éditorial du quotidien Folha de Sao Paulo.

« Apportez des preuves, et j’irai à pied au commissariat ! », a lâché l’ancien président, bravache. Cristiano Zanin, son avocat, a annoncé jeudi une action devant le conseil national du ministère public, reprochant aux procureurs d’avoir outrepassé leur fonction en lançant des accusations au mépris de la présomption d’innocence.